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30 avril 2011

Burundi: Evénements d'Avril-Mai 1972

Monsieur KIROMBO Gaspard
Tél . + 32 496 10 72 21
E- mail : kirombogaspard@yahoo.fr
Bruxelles, 14 avril 2011
                                              
A Monsieur NTACORIGIRA Victor
Rue Philippe de Champagne n°3B/boîte1000 BRUXELLES Belgique
Tél. : + 32 25 14 57 85
E-mail : ntacovic@hotmail.com

Monsieur NTACORIGIRA,

J’accuse bonne réception de votre invitation à l’événement que vous avez intitulé
« Commémoration du génocide des Hutu du Burundi en 1972 ».

L’objet de ma réponse est d’exprimer mon étonnement que votre groupe continue à organiser
de cette manière une telle activité, malgré les clins d’oeil régulièrement répétés par beaucoup
de nos compatriotes qui estiment que cette commémoration ne tient pas compte de la vérité
historique et qu’elle va jusqu’à utiliser certaines images de mutilés tutsi en les présentant
comme des victimes hutu.

En effet, cela fait des années que votre groupe organise cette commémoration ici à Bruxelles.
Et chaque année, nous perdons nos énergies à calmer des groupes tentés de dupliquer, voire
perturber votre organisation. Aussi vous rappelons-nous que, depuis que les Burundais
négocient la paix et la réconciliation, les membres de notre diaspora burundaise vous avons
régulièrement invités à considérer « la profondeur de la blessure qu’a taillée dans les coeurs
la tragédie de 1972 » (P. BURIRE, Possibilités et difficultés de paix, 140-144).

Nous vous invitons encore une fois à une meilleure prise de conscience de la réalité historique
et des souffrances que la tragédie d’avril-mai 1972 a imprimé dans la conscience collective de
toutes les communautés ethniques burundaises. Quand il s’agit de commémorer les éléments
en rapport avec cette partie de l’histoire du Burundi, toutes les communautés ethniques
burundaises (hutu, tutsi, ganwa et twa) devraient être consultées et surtout associées.
La vérité du 29 avril 1972

La lecture de votre invitation m’a replongé dans l’histoire tragique que traverse le Burundi
depuis les années 1960. Elle m’a particulièrement rappelé l’analyse du quotidien burundais
Net Press dans sa livraison du 29 avril 2005, et je cite :

« Le seul génocide commis au Burundi est celui de 1972 », a glissé discrètement à l'oreille du
secrétaire général des Nations-Unies, l'ancien président Sylvestre Ntibantunganya au cours
d'une visite-éclair que Kofi Annan effectua à Bujumbura, il y a quelques années. « Le seul
génocide commis au Burundi est celui de 1993 », répondent en choeur les associations
regroupées au sein de l'Accord-cadre pour la restauration d'un Etat de droit au Burundi.

… Une réalité s'impose quoi que puissent penser ou nier les uns et les autres. Les premiers
morts qui sont tombés par milliers dans la nuit du 29 avril 1972 et pendant les jours qui ont
suivi furent exclusivement des Tutsi y compris des femmes, des vieillards et des enfants. Ils
n'ont pas été emportés par un « tsunami » à la burundaise ou par quelqu'autre catastrophe
naturelle. Ils ont été tués à la machette pour la plupart, parce qu'ils étaient nés Tutsi, victimes
d'une propagande entretenue par des leaders hutu admirateurs de la « Révolution Sociale
rwandaise » de 1959. (Fin de citation).

L’écrivain NDAYIZEYE Emmanuel, qui confesse avoir « été porté à aller fouiller dans
différents écrits pour m’expliquer ce qui est à la base des massacres cycliques dont je vis
quotidiennement l’horreur dans ma chair », se réfère à plusieurs auteurs et décrit deux phases
consécutives : une première marquée par le massacre des Tutsi et une deuxième caractérisée
par la répression des Hutu. Ce chercheur résume comme suit ce qu’il a appelé « le cataclysme
de 1972 » :

« De par leur étendue et l’horreur qu’ils ont provoquées, ces événements apparaissent
comme une des déchirures les plus profondes qu’ait jamais connue le pays. La crise de
1972 représente un moment crucial dans l’histoire des relations entre Hutu et Tutsi au
Burundi…. L’objectif des attaquants était de tuer tout Tutsi et de s’emparer du pouvoir
pour fonder une république de Hutu… Ils feront des milliers de morts et occuperont
quelques localités (une bonne partie du Sud du pays) pendant quelques jours … Les
rebelles avaient même fondé la République de Martyazo à Vugizo (Makamba) et ont hissé
leur drapeau vert-rouge qui n’a flotté que du 1 au 9 mai 1972.
La phase de la répression fut aussi atroce que la phase de l’attaque, elle commença
quelques jours après le début de l’insurrection-attaque violente … Ces représailles
avaient, semble-t-il, pour but d’éliminer tout Hutu masculin lettré afin qu’au moins pour
une certaine période de temps, il n’y ait plus de soulèvement à odeur hutu … Il y a aussi
lieu de souligner que plusieurs lettrés hutu avaient été informés de l’imminence des
attaques et ont été sollicités pour apporter leur contribution…

Donc, la rébellion avait été bel et bien préparée, à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Celle-ci visait la décimation des membres de l’ethnie tutsi ou du moins l’élimination
physique des éléments mâles de cette ethnie. Les femmes enceintes mariées aux Tutsi
étaient systématiquement éventrées dans le but de ne laisser aucune chance à un individu
de sexe masculin de ce groupe, de voir le jour… ».

Ce chercheur n’a pas manqué de souligner que « Pour sa part, E. NGAYIMPENDA stipule
que la répression gagna tout le pays, y compris des espaces où il n’y avait eu ni troubles
ni massacres ». Sa conclusion est que cette « guerre » fit beaucoup de victimes hutu et
tutsi et mit plusieurs membres de l’ethnie hutu sur le chemin de l’exil.

Le seul oubli de cet auteur est de n’avoir pas relevé la souffrance particulière de la
communauté ganwa élargie aux monarchistes, victime collatérale des attaques meurtrières
menées par les rebelles dans la confusion et simultanément au sud (Bururi-Makamba), à
l’ouest (Bujumbura), au centre (Gitega) et à l’est (Cankuzo) du Burundi au cours de la
nuit du 29 avril 1972.

C’est effectivement au cours de cette nuit que le dernier roi du Burundi, NTARE V, fut
assassiné à Gitega à cause, semble-t-il, des premiers soupçons qui attribuaient l’attaque
aux monarchistes. « Dans ce pays, a finalement ajouté ce chercheur, … la fracture entre
les communautés s’est élargie … Les relations entre familles d’ethnies différentes se
brouillèrent … On pleura les morts mais tout le monde ne put faire le deuil… » (Cfr E.
NDAYIZEYE, Précis de la montée de la violence organisée au Bur undi , Confrontation de
différents auteurs, Centro Stampa Piceno, Ascoli Piceno, Italia, mai 2009, p.104-110).

Monsieur NTACORIGIRA,

Si vous avez besoin de plus d’éclaircissements, je vous invite à consulter ce que la multitude
d’auteurs respectables ont écrit à propos de cette période (avril-mai 1972) particulièrement
sombre de l’histoire burundaise. Sans être exhaustif, je vous suggère simplement de lire entre
autres :
1) CHRETIEN Jean-Pierre – DUPAQUIER Jean-François, Burundi 1972. Au bord des
génocides, Karthala, Paris 2007.
2) NDAYIZEYE Emmanuel, Précis de la montée de la violence organisée au Burundi,
Confrontation de différents auteurs, Centro Stampa Piceno, Ascoli Piceno, Italia, mai
2009.
3) Rapport de la Commission d’enquête internationale de l’ONU sur le génocide de
1993 au Burundi S/1996/682, 22 août 1996.
4) NGAYIMPENDA Evariste , Histoire du conflit politico-ethnique burundais . Les
premières marches du calvaire (1960-1973), Renaissance, Bujumbura, 2004.
5) BURIRE Paul, Possibilités et difficultés de paix et de réconciliation au Burundi.
Jalons pour une éducation à la paix et à la réconciliation, thèse de doctorat, Academia
Alfonsiana, Rome 1985.
6) LEMARCHAND René, Les incidents extérieurs de la crise, dans Lemarchand René –
GREENLAND John (éd.), Les problèmes du Burundi, Bruxelles, 1974.
7) MANIRAKIZA Marc, Burundi. De la Révolution au régionalisme (1966-1976), Le
Mât de Misaine, Paris /Bruxelles 1992.
8) RUTAMUCERO Diomède, La démocratie du nombre, arme pour le génocide contre
les Tutsi au Burundi (1959-2006), éditions Intore, Bujumbura, 2007.
9) NSANZE Augustin, Le Burundi contemporain. L’Etat-nation en question (1956-
2002), L’Harmattan, Paris, 2003.
10)RUTAMUCERO Diomède, Le génocide contre les Tutsi au Burundi, un crime avoué
mais impuni, Bujumbura, 2009.

Cela dit, je souhaite que toute personne soucieuse du retour de la paix au Burundi considère
que la crise d’avril-mai 1972 représente un moment crucial dans l’histoire des relations entre
les communautés ethniques burundaises et que personne ne s’arroge le droit de remuer
continuellement et n’importe comment le couteau dans une plaie encore aussi béante !

Gaspard KIROMBO
Membre de la diaspora burundaise Belgique

N.B. : On peut voir ce drapeau vert-rouge de l’éphémère République hutu du 1 au 9 mai
1972 sur internet en mettant « République de Martyazo » dans Google


Ngenzirabona

2 commentaires:

Anonyme a dit…

jamais ne finiront vos luttes et réclamations incessantes, hutus ou tutsis, si vous vous débattez encore dans ces fausses identités... Qu'est-ce qu'est un Murundi? qu'est-ce qu'est un Muntu(des bantous, comme disent les européens)? qu'est-ce qu'est une ethnie? qu'est-ce qu'est la Paix? qu'est-ce qu'est l'unité?qu'est-ce qu'est une nation?
sachez répondre à ces questions sans tergiverser et arrêter de pourrir les têtes des gens honnêtes; Ndagurira abo hasi n'abo hejuru.
Ndayizeye Nicaise,
marseille France.

Anonyme a dit…

BRAVO LE MARSEILLAIS, J'AIMERAIS BIEN VOIR COMMENT ABO BAPOLITIQUES BAKWISHURA...
ERNEST NTWARI(PARIS)