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30 avril 2011

Burundi:Spécial « 39ème anniversaire des massacres de 1972 »

Net Press
Des massacres restés longtemps « Sujet tabou ».
Ceux que l’on désigne pudiquement d’« événements » de 1972 sont restés longtemps un sujet tabou que l’on ne pouvait pas évoquer sous le régime Micombero pour des raisons évidentes, ni sous celui de Bagaza, car les informations, même échangées en privé, étaient fortement verrouillées sous la IIème République. Il faudra attendre l’avènement du multipartisme politique et médiatique en 1993 pour que certains esprits se libèrent et commencent à évoquer une sombre période sur laquelle a pesé un silence assourdissant pendant des décennies.

Au cours d’une conférence de presse animée à la Maison de la presse, il y a quelques années, l’actuel archevêque de Gitega, Mgr Simon Ntamwana, faisait remarquer que ce qui se passa il y a 39 ans fut tellement tabou que les familles étaient tenues dans l’ignorance de la destination et du sort de leurs proches enlevés de leur domicile. Les veuves n’avaient pas le droit de se plaindre ni de pleurer, ni encore moins de faire le deuil de leurs maris.

Sous la Ière et la IIème République, certains parmi ceux qui avaient perdu les leurs commémoraient ce triste anniversaire de façon originale, en se faisant complètement raser la tête. Mais c’est dans le silence qu’ils le faisaient et s’il leur arrivait de partager un verre à cette occasion, ils s’organisaient dans la plus grande discrétion, afin de ne pas avoir à s’expliquer devant les services de renseignement ou de l’administration locale.

Ce silence et ce profil bas aux événements de 1972 ont été préjudiciables pour l’ensemble de la société burundaise. Car, les deux principales composantes ethniques se sont longtemps rejetées et se rejettent toujours la part de responsablilité sur ces « événements ». Les uns affirment avec des arguments que n’eût été l’intervention de l’armée, ils allaient être rayés définitivement de la carte du Burundi, ce à quoi les autres rétorquent, eux aussi avec des arguments, que le pouvoir de Micombero profita de la révolte de « quelques-uns » au Sud du pays pour régler une fois pour toutes « la question hutu » de la manière que l’on sait, afin que plus jamais on n’entende plus parler de démocratie pluraliste ou majoritaire. D’où l’énorme difficulté qu’aura la future Commission nationale vérité-réconciliation (Cnvr) pour accorder les violons des uns et des autres sur cette bien triste page noire de notre histoire.

Des services secrets incapables d’être à la hauteur de la tâche.

Jusqu’au samedi 29 avril 1972 dans la soirée, les services secrets de Michel Micombero étaient encore incapables de mesurer l’ampleur des massacres en préparation. A la mi-journée, dans le journal parlé en langue nationale qui était diffusée à 12 heures 40 minutes, le regretté Athanase Mutana annonça la dissolution du gouvernement et l’expédition des affaires courantes par les directeurs généraux (il y en avait un par ministère).

Et lorsque le capitaine Kinyomvyi tombe dans une embuscade tendue par les rebelles hutu à l’endroit précis où se trouve le monument du soldat inconnu, l’alerte est lancée dans toutes les garnisons sans que l’on sache que le Sud du pays se trouve déjà à feu et à sang. Toutes les soirées festives organisées aux chefs-lieux des provinces et au mess des officiers de Bujumbura sont alors annulées, puisque les rebelles avaient planifié d’en profiter pour décapiter les institutions en massacrant les autorités civiles et militaires.

Dans un premier temps, le pouvoir croit à une attaque des monarchistes revanchards et l’ordre est donné d’exécuter Ntare V interné au camp commando de Gitega. Plus tard, on apprendra que presque tout le Sud du pays a été envahi par des rebelles hutu avec le soutien des combattants mulélistes et maï-maï massacrant tout ce qui était tutsi ou apparenté. L’armée  va alors riposter sous la conduite du colonel Didace Nzohabonayo aujourd’hui décédé, qui, à l’époque dirigeait le camp des parachutistes-commando de Bujumbura. C’est alors que débutèrent les arrestations et les exécutions sans jugement des intellectuels hutu, civils comme militaires, qui s’étendirent sur deux ou trois mois. Tout se passa dans une sorte de huis clos, à l’époque où la circulation de l’information d’un pays à l’autre était encore embryonnaire.

Comment expliquer le profil bas de la majorité ethnique face à ce qui se passa, il y a 39 ans.

Jusqu’à l’avènement de la démocratie en 1993, tout ce que la majorité hutu comptait d’intellectuels, d’hommes politiques, membres des organisations de la société civile, n’avait qu’une seule réclamation à la bouche en tout lieu et en toutes circonstances : l’établissement d’un tribunal pénal international pour juger les crimes de 1972.

Depuis lors, c’est le silence radio ou presque, et ceux parmi eux qui évoquent les « événements » de 1972 ne le font que du bout des lèvres dans le cadre de la mise sur pied de la commission nationale vérité et réconciliation (Cnvr). C’est qu’entre-temps, 1993 a en quelque sorte « équilibré »  1972 si l’on peut s’exprimer ainsi.

Lorsqu’éclatent les massacres de Ntega et de Marangara le 15 août 1988 et surtout après l’assassinat de Melchior Ndadaye cinq ans plus tard, les propagandistes hutu n’ont pour mot d’ordre que la vengeance des morts de 1972, ce qui fut fait de la manière que l’on sait.

C’est pourquoi cet équilibre de la terreur appelerait également l’équilibre de cette justice internationale longtemps réclamée, à laquelle les dirigeants actuels auraient plus à perdre que ceux de 1972. En effet, presque tous ceux qui formaient la garde rapprochée de Micombero, civils comme militaires, ont déjà rejoint l’autre monde. Ce serait donc un procès sans accusés, alors que les commanditaires des massacres de 1993 seraient toujours là, les uns au sein des institutions actuelles, les autres au sein de l’alliance des démocrates pour le changement dans l’antichambre du pouvoir.

Le dernier grand survivant des acteurs de 1972.

Il s’appelle Arthémon Simbananiye et était ministre des affaires étrangères à l’époque des faits. Comme le gouvernement venait d’être dissout au cours de la journée du 29 avril 1972 et que le pouvoir avait besoin de quelqu’un pour parler en son nom dans ces moments difficiles Simbananiye fut nommé ambassadeur extraordinaire itinérant avant de reprendre ses anciennes fonctions plus tard lors de la formation de la nouvelle équipe ministérielle.

Véritable bras droit de Micombero, de loin plus formé intellectuellement que Thomas Ndabemeye, Albert Shibura et surtout Joseph Rwuri, Arthémon Simbananiye fut le cerveau de tout ce qui se passa avant, pendant et après les événements sanglants jusqu’à la chute de la maison de Micombero le 1er novembre 1976. Depuis plusieurs années, il s’est actuellement réfugié dans le mytisme puisqu’il n’a qu’une seule réponse à toutes les questions qu’on lui pose sur son rôle en 1972 : « depuis 1989, j’ai accueilli Christ ! ». Ses détracteurs affirment que c’est une façon de se dédouaner du rôle néfaste qu’il joua à cette époque, mais son silence dessert énormément la cause qu’il voulait défendre il y a 39 ans. En laissant à d’autres le soin de présenter leur version des faits, le récit des «  événements » de 1972 devient déséquilibré et la conclusion classique des historiens est connue depuis toujours, à savoir que « celui qui ne dit mot consent ».

Le salut du Burundi résulterait des efforts conjugués de son peuple.

Dans notre édition du 25 avril 2011, on a annoncé que cette semaine est consacrée par le Centre d’alerte et de prévention des conflits (Cenap) et l’Association pour la mémoire et la protection de l’humanité contre les crimes internationaux (Amepci) à la commémoration des événements de 1972 sous le thème « Victimes du conflit burundais de 1972 et au-delà, franchir l’étape des mémoires sélectives pour une commémoration sélective ».

Signalons alors que la journée d’aujourd’hui et celle de demain vendredi sont réservées à un atelier d’échanges sur le thème susmentionné. Les organisateurs de cet atelier ont invité différents groupes de la couche sociale burundaise et il a été constaté à travers les témoignages des participants qui ont été victimes des exactions commises depuis les événements de 1972 dans notre pays que les gens de toutes les ethnies ont été touchés d’une façon ou d’une autre par ces barbaries.

Bien que parmi les intervenants d’aujourd’hui ou d’autres interventions contenues dans une vidéo qui a été projetée par le Cenap il y ait encore des tendances d’accusations mutuelles entre les Hutu et les Tutsi, la majorité des intervenants ont proposé que chaque burundais dépasse ses frustrations et qu’il se solidarise avec ses concitoyens afin de construire un avenir meilleur pour le Burundi et les générations futures. D’autres intervenants ont recommandé qu’on identifie la responsabilité individuelle de tout un chacun au lieu d’accuser globalement tel ou tel autre gouvernement, encore moins, des Hutu ou des Tutsi dans l’ensemble.

Selon le président du Cenap, même s’il n’est pas facile, il faut avoir le courage d’organiser régulièrement les activités du genre car, ils permettent aux victimes des différentes crises qu’a connues le Burundi de se décharger et par conséquent, panser les blessures qu’ils ont au fond de leur cœur. Néanmoins, le professeur Venant Bamboneyeho, président d’Ac-Génocide Cirimoso, tout en saluant l’initiative des deux organisations, il reste convaincu que sans la volonté de l’Etat de demander qu’il y ait des enquêtes menées par des chercheurs non penchants, de telles initiatives n’auront pas beaucoup d’effets.

Le parti monarchique parlementaire s’associe à la famille du roi Ntare V.

A l’occasion du 39ème anniversaire de l’assassinat du roi Ntare V, le parti monarchique parlementaire rend public un communique de presse à travers lequel il indique qu’il s’associe à la famille royale dans sa douleur, aux Baganwa et à tous les Burundais qui ont perdu les leurs au cours des événements de 1972. Il appelle l’actuel gouvernement du Burundi pour que la lumière soit faite sur les circonstances du rapt du roi Ntare V Ndizeye le 30 mars 1972 à Kampala en Ouganda et de son assassinat le 29 avril 1972 à Gitega. Il rappelle également qu’il y a une plainte contre les présumés organisateurs de cet acte ignoble pour planification et complicité dans son assassinat, déposée auprès du parquet général de la République et dont le ministère public n’a jamais donné suite.

Le parti monarchique demande que l’endroit où le roi a été enterré en cachette soit identifié, et que ses restes soient inhumés dans la dignité qui sied à un ancien chef d’Etat du Burundi. Il recommande la mise sur pied de la commission pour la vérité et la réconciliation nationale, ainsi que la prise en compte de toutes les composantes ethniques du Burundi, à savoir les Baganwa, les Bahutu, les Batutsi et les Batwa.
Ngenzirabona

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