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25 mars 2022

Burundi-Ouganda: Le commerce face à moult défis

 Le commerce entre le Burundi et l’Ouganda face à moult défis

Journal Iwacu

Dans un forum des opérateurs économiques burundais et ougandais de ce 23 mars, les participants déplorent le fait que le commerce entre les deux pays fait encore face au défi de transport. Selon la ministre ougandaise de l’Habitat, les gouvernements doivent investir dans l’amélioration d’un climat des affaires.

« Les moyens de transport entre le Burundi et l’Ouganda ne sont pas suffisamment développés. Ce n’est pas normale qu’on fait plus de 24 heures en route entre Kampala et Bujumbura alors que c’est un trajet de 800 kilomètres », fustige Audace Ndayizeye, président de la Chambre fédérale de commerce et de l’industrie du Burundi (CFCIB). Et de recommander la construction d’une route à court trajet entre les deux pays passant par Tanzanie pour faciliter le transport.

En outre, il indique que les hommes d’affaire des deux pays font face à une barrière linguistique, suite au fait que l’Ouganda est un pays anglophone alors que le Burundi est francophone.

Selon le président de la CFCIB, les importations du Burundi provenant de l’Ouganda devancent les exportations : « Le Burundi a importé de l’Ouganda des biens équivalent à 48 millions de dollars en 2020 alors que ses exportations sont estimées à 34 millions de dollars la même année ». Pour lui, il faut que le Burundi puisse mettre en place des unités de transformation dans le pays pour faire face à cette balance déficitaire.

A titre d’exemple, ajoute-t-il, le Burundi importe de l’Ouganda du jus, alors que ces derniers proviennent des fruits du Burundi : « En mettant en place ces usines de transformation, on pourra avoir des produits de consommation à exporter en Ouganda. Ainsi, les Ougandais importeront désormais des produits finis au lieu de la matière première, ce qui fera entrer des devises au Burundi ».

La ministre ougandaise des Terres, de l’Habitat et de l’Urbanisme, Judith Nabaakoba souligne que le commerce entre l’Ouganda et le Burundi connaît parfois une croissance importante ou un déclin selon la situation prévalent dans les deux pays et dans la région.

Selon elle, les réalités politiques dans les deux pays, la sécurité régionale ainsi que la pandémie de la covid-19 ont, d’une manière ou d’une autre, affecté négativement les affaires entre les deux pays ces derniers jours.

Elle exhorte les deux gouvernements à développer la production des biens de consommation et le développement des infrastructures pour booster le climat des affaires : « Si des actions concrètes et des efforts sont fournis par les deux gouvernements, le climat des affaires pourra prospérer davantage entre nos deux pays ».

Les exportations de l’Ouganda vers le Burundi sont estimées à plus de 50 millions de dollars en 2021, alors qu’elles étaient à 37 millions de dollars en 2019.

Burundi-RDC: Nouvelle alliance de l'armée burundaise avec les groupes armées

 Uvira (RDC) : la FDNB se trouve de nouveaux alliés

SOS Médias Burundi
L’armée burundaise maintient encore des hommes dans les hauts et moyens plateaux d’Uvira ,en province du Sud-Kivu à l’est de la RDC.L’armée burundaise s’est alliée ces derniers jours avec deux nouveaux groupes armés locaux qui l’aident désormais à combattre le groupe armé Red Tabara considéré par les autorités burundaises comme un «mouvement terroriste».

Les deux mouvements rebelles qui collaborent avec la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) sont les Maï Kashumba et les Maï Maï Mushombo.

Les deux groupes locaux étaient alliés au groupe armé Red Tabara et leurs hommes combattaient aux côtés des siens.

« Dans des combats qui ont eu lieu récemment à Lilonge sur le groupement de Muhungu (territoire d’Uvira ), les miliciens Maï Maï Kashumba et des miliciens dévoués à Maï Maï Mushombo qui a été dernièrement tué, ont appuyé l’armée burundaise », affirment des témoins.
Les deux nouveaux groupes armés viennent allonger la liste des mouvements rebelles congolais qui aident l’armée burundaise pour traquer les Red Tabara.
Deux autres groupes à savoir les Maï Maï Kijangala et le mouvement armé Gumino du colonel Nyamusaraba nouent des relations avec la FDNB depuis longtemps et lui servent de guide dans les forêts du Sud-Kivu en plus de lui fournir des hommes.

L’armée burundaise a envoyé des hommes sur le sol congolais afin de déloger le Red Tabara de ses positions depuis fin décembre 2021,selon des informations recueillies par nos reporters, confirmées par des sources militaires congolaise et burundaise, la société civile dans le Sud-Kivu et un député qui a même écrit une lettre au secrétaire général de l’ONU pour dénoncer cette présence. Les autorités burundaises ont toujours nié ces allégations.

Après des attaques contre des positions tenues par les rebelles de Red Tabara surtout le 13 mars dernier, ces derniers se sont repliés vers les forêts de Kashongo en secteur d’Itombwe, dans le territoire de Mwenga (même province du Sud-Kivu), selon des sources locales.

Sur son compte Twitter , le mouvement rebelle d’origine burundaise affirme avoir imposé de lourdes pertes à la FDNB tout en déplorant la mort de quatre hommes.

23 juin 2021

Burundi : L’UE devrait honorer ses engagements en faveur des droits humains.

 Human Rights Watch

L’UE devrait honorer ses engagements en faveur des droits humains au Burundi

Lettre ouverte

Monsieur le Haut Représentant/Vice-Président de l’UE,

Mesdames et messieurs les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE,

Alors que le Conseil de l’Union européenne (UE) et ses instances préparatoires examinent la situation au Burundi et la politique de l’UE en la matière, les organisations soussignées souhaitent exprimer leur préoccupation sur le fait que l’UE et certains de ses États membres semblent disposés à fermer les yeux sur l’absence de progrès significatifs sur la situation des droits humains et sur l’impunité généralisée pour les atteintes graves aux droits humains passées et continues dans le pays.

Malgré une série d’actes isolés récents du gouvernement burundais concernant les libertés publiques, le Conseil devrait maintenir sa position selon laquelle la progression durable et visible de l’ouverture de l’espace politique et civique et la lutte contre l’impunité sont indispensables pour résoudre les problèmes fondamentaux en matière de droits humains au Burundi. L’UE ne devrait pas se fier aux promesses de réformes liées aux droits humains formulées par les autorités burundaises et devrait plutôt insister pour que celles-ci remplissent des critères concrets attestant de leur engagement à garantir la responsabilisation et à se lancer dans une voie respectueuse des droits humains.

Atteintes aux droits humains continues et impunité généralisée

En mars 2016, compte tenu du non-respect par le Burundi de ses obligations en vertu de l’accord de Cotonou concernant les droits humains, les principes démocratiques et l’État de droit, l’UE a décidé de suspendre son soutien financier direct au gouvernement burundais. Cette décision a été prise en réponse aux meurtres, aux actes de torture, aux disparitions forcées et aux arrestations arbitraires de milliers de Burundais, sur fond de crise politique autour du troisième mandat contesté du défunt président Pierre Nkurunziza. La police a réprimé violemment les manifestants et, après une tentative de coup d’État échouée en mai 2015, plusieurs stations de radio ont été attaquées et contraintes de fermer. Plus de 400 000 personnes, y compris la plupart des activistes de la société civile et des journalistes indépendants éminents, ont fui le pays.

La Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi a indiqué qu’elle estime que des crimes contre l’humanité ont été commis au Burundi depuis 2015, peut-être même pendant la période électorale de 2020.

Le 25 mai 2020, Évariste Ndayishimiye, candidat du parti au pouvoir, a été déclaré vainqueur des élections présidentielles, qui se sont déroulées dans un contexte de répression généralisée ; plusieurs membres de l’opposition ont été tués et bon nombre ont été arrêtés. L’accès aux réseaux sociaux a été bloqué et aucun observateur international indépendant n’était présent.

Pendant la première année de mandat d’Évariste Ndayishimiye, quelques améliorations limitées ont eu lieu. Par exemple, le président a gracié quatre journalistes arrêtés en 2019, a instauré un dialogue avec les représentants des médias au Burundi – conduisant à la levée de certaines restrictions – et a gracié plus de 5 000 autres prisonniers (même si seuls 2 600 d’entre eux environ avaient été libérés à la fin du mois de mai).

Mais bon nombre des promesses répétées d’Évariste Ndayishimiye pour rendre justice et favoriser la tolérance politique n’ont toujours pas été tenues. Le président a nommé des partisans de la ligne dure du parti au pouvoir à des postes clés, dont Gervais Ndirakobuca, l’actuel ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, qui est visé par des sanctions de l’UE. De plus, même si les signalements de violations graves des droits humains ont diminué, les organisations de défense des droits humains continuent à documenter des cas de torture, de mauvais traitements et d’arrestations arbitraires, et des corps non identifiés sont toujours retrouvés dans différentes parties du pays.

Évariste Ndayishimiye a montré une plus grande ouverture envers l’UE que son prédécesseur. En février 2021, au Burundi, le gouvernement burundais et les représentants de l’UE et de ses États membres ont renoué le dialogue politique, suspendu depuis 2016. Le ministre des Affaires étrangères Albert Shingiro s’est rendu en Europe en avril. Le gouvernement burundais a présenté une feuille de route technique concernant les droits humains et d’autres réformes, mais celle-ci reste vague et non contraignante et évite les questions sensibles – notamment la lutte contre l’impunité pour les nombreux crimes commis depuis 2015.

Aucun progrès durable sur les critères de 2016

Dans l’annexe de sa décision de 2016, le Conseil a inclus une « matrice des engagements », sur laquelle il attendait des progrès spécifiques et concrets de la part du gouvernement burundais avant de lever les mesures restrictives de l’UE. Le gouvernement burundais n’a pas mis en œuvre les réformes dans la plupart de ces domaines, qui restent presque tous d’actualité :

Évariste Ndayishimiye a fait des efforts pour discipliner les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, ce qui a conduit à une réduction de leur implication dans des atteintes aux droits humains dans de nombreuses provinces. Cependant, dans d’autres provinces, ils ont continué à assurer des fonctions d’application de la loi – bien qu’ils n’aient pas l’autorité pour cela – avec l’encouragement explicite des responsables du gouvernement et du parti au pouvoir. Les Imbonerakure, dont certains sont armés, ont arrêté, maltraité et tué des opposants supposés, parfois en collaboration avec les autorités gouvernementales locales, la police ou les agents des services de renseignements, ou avec leur soutien. Certains de leurs membres ont été impliqués dans la lutte contre des groupes d’opposition armés burundais au Burundi et en République démocratique du Congo, pas plus tard qu’en mai 2021.

Malgré les promesses répétées, on constate uniquement une réouverture limitée des stations de médias privées fermées par le gouvernement en 2015. Depuis la décision de 2016 de l’UE, seule Radio Bonesha a été réouverte en 2021, après qu’elle a signé un acte d’engagement avec le Conseil national de la communication (CNC), l’organisme étatique qui réglemente les médias. La British Broadcasting Corporation (BBC) et Voice of America sont toujours suspendus depuis 2018. En 2021, le paysage médiatique au Burundi reste sévèrement restreint. Les quelques médias indépendants qui sont autorisés à opérer pratiquent l’autocensure et évitent les questions controversées. Les journalistes sont régulièrement menacés ou harcelés par les responsables du gouvernement et du parti au pouvoir. Il n’y a pas eu d’enquêtes crédibles sur la disparition forcée en 2016 du journaliste d’Iwacu Jean Bigirimana ou sur d’autres atteintes graves aux droits humains contre des journalistes.

Les organisations de la société civile indépendantes et les défenseurs des droits humains ne peuvent pas mener leurs activités de façon libre et sûre au Burundi. La suspension de plusieurs organisations de la société civile en 2015 n’a pas été révoquée. Les défenseurs des droits humains qui ont quitté le Burundi pour leur sécurité en 2015 et 2016 n’ont pas pu rentrer ; leurs organisations ont été fermées ou suspendues, ce qui a détruit le mouvement des droits humains autrefois dynamique du Burundi. La plupart des organisations de la société civile opérant au Burundi s’abstiennent de critiquer directement le gouvernement. Le défenseur des droits humains Germain Rukuki purge une peine de 32 ans de prison et il est toujours en attente du verdict de son dernier appel. Nestor Nibitanga, un autre défenseur des droits humains, condamné à cinq ans de prison en 2018, figurait parmi ceux qui ont bénéficié d’une grâce présidentielle en 2021.

La décision du Conseil de 2016 mentionnait la nécessité de progression sur les procès de prisonniers politiques. Certains prisonniers politiques ont depuis été libérés, alors que d’autres sont toujours en prison. Plus récemment, des centaines de membres du Congrès national pour la liberté (CNL) ont été arrêtés avant, pendant et après les élections de 2020, nombre d’entre eux de manière arbitraire. Un nombre important a été libéré après les élections, mais d’autres restent en prison. L’ingérence des responsables du parti au pouvoir et du gouvernement dans les affaires motivées par des raisons politiques est courante, ce qui viole les normes fondamentales en matière de procès équitable.

En 2016, l’UE a déclaré que les cas des prisonniers arrêtés pendant les manifestations et les incidents de sécurité de 2015 devraient être traités conformément à la législation burundaise et au droit international. Certains manifestants arrêtés en 2015 ont été libérés, mais beaucoup ont été torturés et jugés coupables lors de procès inéquitables. De nombreuses personnes suspectées de s’être opposées au gouvernement dans d’autres contextes ont été arrêtées plus récemment, notamment après des incidents de sécurité. Elles subissent la même absence de procédure régulière : elles sont souvent arrêtées de manière arbitraire, certaines ont été torturées, et elles ne peuvent pas avoir l’assurance d’un procès équitable.

En 2016, l’UE a demandé au gouvernement burundais d’enquêter sur les allégations de torture et de meurtres extrajudiciaires, et de donner suite aux conclusions de ces enquêtes. Au plus fort de la crise politique au Burundi en 2015 et en 2016, des policiers et des agents des services de renseignements ont torturé des dizaines d’opposants au gouvernement supposés et en ont tué de nombreux autres. Aucune enquête crédible n’a été menée. Des dizaines de nouveaux cas de torture ont été documentés depuis les élections de 2020 et au moins un détenu est décédé en détention après avoir été torturé par des agents des services de renseignements en 2021. La décision de 2016 demandait la participation d’experts internationaux dans ces enquêtes, mais le gouvernement burundais a contraint le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies à fermer son bureau au Burundi en 2019 et ne permet pas à la Commission d’enquête de l’ONU ou aux organisations de défense des droits humains internationales d’entrer dans le pays.

Le gouvernement burundais a refusé de parler avec ses opposants lors d’un dialogue sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est, qui a depuis été abandonné. Il n’a pas non plus tendu la main aux opposants politiques et aux acteurs de la société civile en exil. Au lieu de cela, un jugement de la Cour suprême (datant de juin 2020) a été rendu public le 2 février 2021, condamnant un groupe de 34 accusés exilés, dont plusieurs journalistes, activistes de la société civile et opposants politiques, à la réclusion à perpétuité pour leur implication présumée dans le coup d’État de mai 2015. Les défendeurs ont été jugés par contumace et n’avaient pas de représentants légaux, ce qui les a empêchés de bénéficier d’un procès équitable et a bafoué les principes les plus fondamentaux d’une procédure régulière. Il n’y a pas non plus eu de dialogue officiel entre le gouvernement et le principal parti d’opposition au Burundi, le CNL, dont beaucoup de membres ont été tués, arrêtés et torturés, notamment avant et pendant les élections de 2020. Fabien Banciryanino, un ancien membre du parlement connu pour son franc-parler arrêté en octobre 2020, a été condamné en mai 2021 à un an de prison pour atteinte à la sûreté intérieure de l’État et rébellion.

Recommandations

L’UE ne devrait en aucun cas laisser entrevoir qu’elle est disposée à passer outre ses propres critères et principes fondamentaux dans une volonté d’améliorer les relations diplomatiques. L’UE et ses États membres devraient :


Signifier au gouvernement burundais que des progrès durables et démontrables de la lutte contre l’impunité et de la restauration des libertés publiques ainsi que mettre fin à la torture sont primordiaux pour reprendre la coopération avec l’UE en vertu de l’accord de Cotonou.

Demander aux autorités burundaises de prendre des mesures immédiates pour restaurer l’espace pour la documentation et le plaidoyer indépendants en matière de défense des droits humains au Burundi. Ces mesures devraient inclure, au minimum, la libération immédiate et sans condition de Germain Rukuki et Fabien Banciryanino, la levée de la suspension des organismes de défense des droits humains et des médias opérant en exil, et l’amendement des lois régissant les médias et les organisations nationales et internationales, pour les aligner sur les obligations régionales et internationales.

S’assurer que les engagements du gouvernement burundais en matière de droits humains, y compris ceux de sa feuille de route, sont ambitieux, détaillés et exhaustifs, sont régulièrement surveillés grâce à un mécanisme de suivi rigoureux et font l’objet de discussions dans le cadre du dialogue politique avec l’UE.

Demander aux autorités burundaises de fournir des informations détaillées sur des cas concrets d’atteintes graves aux droits humains et sur les mesures prises pour traduire les responsables en justice et prévenir des violations similaires à l’avenir.

Maintenir les sanctions ciblées contre les personnes les plus responsables de violations graves des droits humains. Cela ne remplace pas la nécessité d’un processus judiciaire crédible pour les juger pour leur responsabilité dans ces crimes.

S’assurer que si une progression durable permet de reprendre une coopération de développement directe, l’UE ne finance ou ne soutient pas directement des projets qui sont gérés ou supervisés par des individus contre lesquels l’UE a imposé des sanctions ciblées ou d’autres personnes ayant des responsabilités bien documentées dans des atteintes aux droits humains.

Garantir l’autonomie et l’indépendance du travail des ONG internationales au Burundi. L’UE devrait soutenir publiquement le droit de la société civile et des médias à couvrir les questions politiques, de droits humains et de sécurité, et inciter les autorités à mettre fin à la surveillance et au blocage de leurs activités.

Soutenir une nouvelle prolongation de la Commission d’enquête sur le Burundi missionnée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU lorsque son mandat actuel expirera en septembre 2021.

Exhorter les autorités burundaises à respecter toutes les obligations régionales et internationales en matière de droits humains.

Nous serions heureux de vous fournir des informations plus détaillées et de discuter avec vous de ces questions de manière approfondie.

Agir ensemble pour les droits humains (AEDH)

Burundi Human Rights Initiative 

Committee to Protect Journalists

DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)

European Network for Central Africa (EurAc) 

FIACAT: International Federation of ACAT

Human Rights Watch

International Federation for Human Rights (FIDH)

Ökumenisches Netz Zentralafrika (ÖNZ)

Open Society European Policy Institute

Protection International

Tournons La Page


Burundi : Qui gouverne?

 Burundidaily.net

Le super ministre Ndakugarika suspend l'exportation de l'huile de palme

La question ici n'est pas de mettre en cause la nature de la mesure prise, mais des compétences légales du ministre qui l'a prise. Le ministre en charge de la sécurité publique et du développement communal a-t-il les compétences légales de décréter une interdiction générale d'exporter les produits fabriqués au Burundi ? Quel est le rôle des ministres en charge du commerce et de l'économie dans ces décisions? Ces ministres ont-ils été consultés et ont-ils analysé les implications économiques pour le pays ? Après tout, le Burundi n'est pas une île isolée.

General Ndirakobuca
General Ndirakobuca
Ministre de la Sécurité 
Il n'est pas en charge de l'économie, il n'est pas en charge du commerce et il n'est pas le premier ministre ; il n'est pas non plus le président de la république.
Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika est le super ministre en charge de l'administration intérieure, du développement communal et de la sécurité.

Cependant, ses décrets tombent comme des pluies torrentielles et touchent de plus en plus tous les aspects de la vie. Ses décisions couvrent et empiètent sur des domaines relevant d'autres ministères.

L'interdiction d'exporter de l'huile de palme est un des derniers cas qui caractérisent l'excès et la dominance d'un ministre qui intervient dans tous les domaines de la vie comme s'il était premier ministre ou Président de la république.

Cette mesure du super ministre tombe alors qu'une pénurie d'huile de palme s'observe depuis quelques temps.

La question ici n'est pas de mettre en cause la nature de la mesure prise, mais des compétences légales du ministre qui l'a prise. Le ministre en charge de la sécurité publique et du développement communal a-t-il les compétences légales de décréter une interdiction générale d'exporter les produits fabriqués au Burundi ? Quel est le rôle des ministres en charge du commerce et de l'économie dans ces décisions? Ces ministres ont-ils été consultés et ont-ils analysé les implications économiques pour le pays ? Après tout, le Burundi n'est pas une île isolée dont l'économie n'est liée à aucun voisin.

Autre question : un pays comme le Burundi qui importe plus de 90 % des produits dont il a besoin pour continuer à vivre, peut-il se permettre cette stratégie isolationniste aussi bien intentionnée que soient ses intentions ?

Burundi : Avril 2015 – juin 2020 : Chronologie de la répression des médias et de la société civile

Human Rights Watch

Le mois d’avril 2015 a marqué le début d’une crise politique et des droits humains au Burundi qui a fait plusieurs centaines de morts. Fin avril 2015, des manifestations publiques ont éclaté en réaction à la décision controversée du défunt président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat électoral. La police burundaise a fait un usage excessif de la force et a tiré sur les manifestants sans discernement. Après une tentative de coup d’État par un groupe d’officiers militaires en mai, le gouvernement burundais a intensifié sa répression contre les opposants présumés et a suspendu la plupart des stations de radio indépendantes du pays. À la mi-2015, presque tous les dirigeants des partis d’opposition, les journalistes indépendants et les activistes de la société civile burundaise avaient fui le pays après avoir reçu des menaces répétées. Ceux qui sont restés l’ont fait au péril de leur vie.

Pendant le troisième et dernier mandat de Nkurunziza, la société civile et les médias indépendants ont été attaqués sans relâche. Certains de leurs membres ont été tués, ont fait l’objet de disparitions forcées, ont été emprisonnés, menacés ou encore forcés de quitter le pays – des crimes qui ont bénéficié d’une impunité quasi totale.

Le tableau qui suit liste de manière non exhaustive les principaux événements qui se sont produits entre avril 2015 et juin 2020, date à laquelle l’actuel président Évariste Ndayishimiye a prêté serment.

2015

 

25 avril

Le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), parti au pouvoir, annonce que le président Pierre Nkurunziza sera son candidat aux élections de juin. L’annonce déclenche de vastes manifestations dans la capitale de l’époque, Bujumbura.

26 avril

Le gouvernement interdit les reportages sur les manifestations diffusés en direct sur trois stations de radio populaires – Radio publique africaine (RPA), Radio Isanganiro et Radio Bonesha FM –, suspend leurs émissions en dehors de la capitale et coupe leurs lignes téléphoniques.

27 avril

Le gouvernement suspend complètement les émissions de la RPA, y compris à Bujumbura, et ferme la Maison de la Presse, un lieu de rassemblement des médias locaux. La police arrête Pierre Claver Mbonimpa, président de l’association de défense des droits humains APRODH, qui était allé donner une interview à la Maison de la Presse. Frappé et malmené par plusieurs policiers, Mbonimpa, âgé de 66 ans, finit par être relâché le lendemain.

5 mai

La Cour constitutionnelle juge que la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat n’est pas contraire à la constitution du pays. Cette décision – controversée après que le vice-président de la Cour a révélé l’existence de coercitions et menaces de la part des autorités – lève un obstacle juridique à la candidature de Nkurunziza à un troisième mandat. Alors que les manifestations se poursuivent, plusieurs journalistes sont menacés, battus ou arrêtés simplement pour avoir fait un reportage ou pris des photos.

14 mai

Le lendemain d’une tentative de coup d’État, des personnes présumées loyales au président attaquent les bureaux de la RPA, de Radio Bonesha, de Radio Isanganiro et de Radio-Télévision Renaissance. Des hommes armés vêtus d’uniformes de la police jettent une grenade dans le bureau de Radio Bonesha et détruisent son matériel de diffusion. Rema FM, une radio pro-gouvernementale, est également attaquée.

 

Bonesha FM a été autorisée à reprendre ses activités, bien que de manière restreinte, en février 2021 après avoir signé un accord avec le gouvernement. RPA et Radio-Télévision Renaissance restent interdites au Burundi.

22 mai

Dans un communiqué de cinq pages, le Secrétaire général et porte-parole du gouvernement de l’époque, Philippe Nzobonariba, déclare que les stations de radio étaient devenues « des agents vecteurs de l’insurrection en propageant les rumeurs les plus alarmistes dans le pays ».

2 août

Esdras Ndikumana, le correspondant au Burundi de Radio France Internationale (RFI) et de l’Agence France-Presse (AFP), est sévèrement passé à tabac par des agents des services de renseignement après avoir tenté de prendre des photos du véhicule dans lequel le puissant ancien directeur du Service national de renseignement (SNR), Adolphe Nshimirimana, a été tué. Les agents de renseignement lui ont cassé un doigt et l’ont violemment frappé sur la plante des pieds.

Ndikumana vit aujourd’hui en exil, et les responsables de l’agression n’ont toujours pas eu à répondre de leurs actes.

3 août

Pierre Claver Mbonimpa est blessé au visage et au cou par un homme à moto qui s’est approché de sa voiture alors qu’il rentrait du travail. Mbonimpa a reconnu le tireur comme quelqu’un qui travaillait pour les services de renseignement. Mbonimpa a été gravement blessé et a reçu des soins médicaux en Europe.

Mbonimpa est toujours en exil et cette attaque n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

9 octobre

Le gendre de Mbonimpa, Pascal Nshimirimana, est abattu devant sa maison à Bujumbura.

Le meurtre de Nshimirimana n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

6 novembre

Le fils de Mbonimpa, Welly Nzitonda, est abattu après avoir été arrêté par la police.

Le meurtre de Nzitonda n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

16 novembre

Antoine Kaburahe, directeur du journal indépendant Iwacu, est convoqué au parquet de Bujumbura à propos de sa complicité présumée dans la tentative de coup d’État de mai. Il fuit le pays quatre jours plus tard.

Kaburahe vit en exil.

23 novembre

Le ministre de l’Intérieur suspend les activités de dix organisations de la société civile burundaise après que le procureur général a ordonné le gel de leurs comptes bancaires quatre jours plus tôt.

10 décembre

Des hommes non identifiés à bord d’un véhicule appartenant vraisemblablement au SNR enlèvent Marie-Claudette Kwizera, trésorière de la Ligue Iteka, à Bujumbura. Sa famille verse à un membre des services de renseignements, par le biais d’un intermédiaire, plus de 2 000 dollars US pour obtenir sa libération. Un agent du SNR et l’intermédiaire présumé sont ensuite placés en détention. Les informations reçues ultérieurement par la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi indiquent qu’elle aurait été prise pour cible pour son action en faveur des droits humains et exécutée par le SNR.

Kwizera est toujours portée disparue et sa disparition n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire crédible.

2016

 

28 janvier

Le correspondant pour Le Monde, Jean-Philippe Rémy, et le photographe britannique Philip Moore sont détenus pendant 24 heures par le SNR et leur matériel est saisi.

Février

Radio Isanganiro et Rema FM rouvrent leurs portes après avoir signé auprès du Conseil national de la communication (CNC) une « charte déontologique », dans laquelle elles s’engagent à adopter une ligne éditoriale « équilibrée et objective », respectueuse de la « sécurité du pays ».

22 juillet

Jean Bigirimana, journaliste à Iwacu, dernier journal indépendant du Burundi, disparaît lors d’un reportage. Des informations non confirmées indiquent que des membres du service de renseignement burundais l’ont arrêté à Bugarama. En août, Pierre Nkurukiye, alors porte-parole de la police, annonce l’ouverture d’une enquête.

Bigirimana est toujours porté disparu, et sa disparition n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire crédible.

19 et 24 octobre

Le ministre de l’Intérieur interdit ou suspend de manière permanente 10 organisations de la société civile qui s’étaient exprimées sur les abus du gouvernement.

Ces organisations restent interdites au Burundi, et leurs dirigeants ainsi que nombre de leurs membres vivent en exil.

2017

 

3 janvier

Les autorités interdisent la Ligue Iteka, la plus ancienne organisation burundaise de défense des droits humains.

La Ligue Iteka reste interdite. Son dirigeant et plusieurs de ses membres vivent en exil.

23 et 27 janvier

Deux nouvelles lois sont adoptées, qui permettent un contrôle accru du gouvernement sur les activités et les ressources des organisations non gouvernementales burundaises et étrangères.

5 avril

Des agents du SNR interrogent Joseph Nsabiyabandi, rédacteur en chef de Radio Isanganiro, sur sa collaboration présumée avec des radios burundaises en exil au Rwanda. Il lui est par la suite reproché d’avoir « incité l’opinion et la population à la révolte ».

13-17 juin

Les forces de sécurité arrêtent trois membres de Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Évolution des Mentalités (PARCEM), alors qu’ils organisent un atelier sur les arrestations arbitraires dans la province de Muramvya. Ils sont accusés d’ « atteinte à la sûreté de l’État ».

13 juillet

Germain Rukuki, défenseur des droits humains et ancien trésorier de l’organisation Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) au Burundi, une organisation interdite dans ce pays, est détenu puis accusé de plusieurs infractions, dont celle de « rébellion ».

10 octobre

Le site Internet d’Iwacu n’est plus accessible aux internautes du Burundi.

L’accès à Iwacu n’a toujours pas été rétabli.

21 novembre

Nestor Nibitanga de l’APRODH, qui est alors interdite, est arrêté à son domicile dans la province de Gitega et emmené au siège du SNR à Bujumbura. La police accuse Nibitanga, via Twitter, d’ « atteinte à la sûreté de l’État ». Il est détenu au secret, sans inculpation et sans possibilité de voir sa famille ou un avocat jusqu’au 4 décembre. Il sera ensuite transféré dans une prison officielle à Rumonge, au sud de Bujumbura.

2018

 

9 mars

Les trois membres du PARCEM sont condamnés à 10 ans de prison pour avoir « préparé des actions susceptibles de perturber la sécurité ».

11 avril

Iwacu reçoit une décision écrite du CNC annonçant une suspension de trois mois de sa section de commentaires en ligne pour « violation des normes professionnelles ».

L’interdiction a été levée le 11 février 2021.

26 avril

Germain Rukuki est condamné à 32 ans de prison pour « rébellion », « atteinte à la sûreté de l’État », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « attaques contre le chef de l’État ».

4 mai

Le CNC suspend la BBC (British Broadcasting Corporation) pour six mois pour « manquements à la loi régissant la presse et à la déontologie professionnelle » après qu’elle a invité Pierre Claver Mbonimpa à une de ses émissions le 12 mars. Dans le même temps, le CNC interdit la VOA (Voice of America), également pour six mois, en invoquant une raison technique, à savoir qu’elle utilisait une fréquence qui lui avait été refusée. Le CNC avertit RFI qu’elle pourrait subir les conséquences de propos récents qu’il a jugés « tendancieux et mensonger », et Radio Isanganiro est critiquée pour avoir prétendument mal vérifié ses sources.

13 août

Nestor Nibitanga est condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État ».

Nibitanga a été libéré le 27 avril 2021, après avoir passé plus de trois ans en prison.

14 septembre

Une loi modifiée sur la presse est adoptée, qui oblige les journalistes à fournir des informations « équilibrées » sous peine de poursuites pénales. Cette loi exige aussi un niveau minimum de formation pour l’obtention d’une carte de presse.

1er octobre

Les autorités suspendent les activités des ONG étrangères pendant trois mois pour les obliger à se réenregistrer, notamment en présentant de nouveaux documents indiquant l’origine ethnique de leurs employés burundais.

17 décembre

Les trois membres du PARCEM sont acquittés en appel et libérés le 21 mars 2019.

2019

 

Janvier

Certaines organisations internationales refusent de se conformer aux nouvelles exigences d’enregistrement, notamment l’obligation de fournir des informations sur l’appartenance ethnique de leur personnel, et quittent le pays. Humanity & Inclusion (anciennement Handicap International), Avocats Sans Frontières, RCN Justice & Démocratie et 11.11.11 cessent leurs activités au Burundi.

28 février

Le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies au Burundi ferme ses portes à la demande du gouvernement.

29 mars

Le CNC annonce qu’il prolonge l’ordre de suspension des activités de la VOA, et retire sa licence d’exploitation à la BBC. Le CNC interdit également à tout journaliste au Burundi de « fournir directement ou indirectement des informations susceptibles d’être diffusées » par la BBC ou VOA.

VOA et BBC restent interdites et inaccessibles au Burundi.

15 mai

Le président de la Cour suprême ordonne la saisie des biens de plusieurs éminents défenseurs des droits humains et journalistes burundais en exil.

3 juin

Le gouvernement suspend l’organisation PARCEM et l’accuse de ternir l’image du pays et de ses dirigeants. PARCEM avait été le fer de lance de la campagne « Ukuri Ku Biduhanze » (« Vérité sur les défis auxquels le pays est confronté »), qui avait permis de sensibiliser le public à des problèmes critiques allant du paludisme à l’insécurité alimentaire.

La suspension du PARCEM a été levée le 2 avril 2021.

17 juillet

La condamnation de Germain Rukuki à 32 ans de prison est confirmée en appel. Les autorités judiciaires déclarent aux médias qu’elles ont perdu son dossier, pour expliquer des retards importants dans l’affaire. Cette confirmation de la peine de 32 ans par la Cour d’appel sera ensuite cassée par la Cour suprême, le 30 juin 2020.

L’appel de Rukuki a été réentendu le 24 mars 2021, mais le verdict n’avait toujours pas été rendu au moment de la publication de la présente chronologie, en violation de la loi burundaise.

16 octobre

Un nouveau code de conduite pour les médias et les journalistes applicable pour la prochaine période électorale exige que les journalistes fournissent des informations « équilibrées », et leur interdit de publier des informations sur les élections qui ne proviennent pas de la commission électorale nationale. Il exige également que les journalistes obtiennent une carte de presse auprès du CNC.

22 octobre

Quatre journalistes d’Iwacu – Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi – et leur chauffeur, Adolphe Masabarakiza, sont arrêtés alors qu’ils allaient réaliser un reportage sur les combats entre les forces de sécurité et le groupe rebelle RED-Tabara. Adolphe Masabarakiza est remis en liberté provisoire en novembre.

2020

 

30 janvier

Les quatre journalistes travaillant pour Iwacu sont condamnés à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités.

4 février

Le procès des défenseurs des droits humains et des journalistes en exil commence en leur absence et sans la présence de leurs avocats.

Leur verdict de culpabilité a été annoncé en février 2021 à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités. Ils ont été reconnus coupables d’« attaques contre l’autorité de l’État », d’« assassinats » et de « destruction ».

29 mars

Selon un communiqué d’Iwacu, Anglebert Ngendabanka, membre de l’Assemblée nationale, menace d’« écraser la tête » d’un de ses journalistes après que le journal a publié un article l’impliquant dans des attaques contre des membres de l’opposition dans la commune de Cendajuru, province de Cankuzo.

Mai

Les autorités adoptent plusieurs décrets créant des comités de recrutement et d’autres mécanismes destinés à faire respecter l’application de quotas ethniques dans le recrutement du personnel local par les ONG étrangères et assurer une plus grande surveillance gouvernementale de leur travail.

20 mai

Les élections se déroulent dans un climat de peur et d’intimidation, sans aucun observateur international. Les médias sont fortement limités dans leur couverture de l’événement, en raison de la loi modifiée sur la presse de 2018 et du code de conduite des médias et des journalistes en période électorale. Certains journalistes indépendants font état de difficultés à accéder aux bureaux de vote et à obtenir des informations sur le scrutin, et la fermeture des réseaux sociaux restreint encore davantage leur travail.

4 juin

La condamnation des quatre journalistes d’Iwacu est confirmée en appel.

Les journalistes ont été libérés le 24 décembre 2021 après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle. Leur condamnation est toutefois maintenue.

8 juin

Le président Pierre Nkurunziza meurt subitement, d'un « arrêt cardiaque » selon le communiqué officiel.

18 juin

Évariste Ndayishimiye prête serment en tant que nouveau président du Burundi.

Burundi - Union Européenne

 Burundi-UE : Sept clés pour comprendre le processus en cours

La complexité de la structure institutionnelle ne permet pas toujours de traduire en termes simples les décisions de l’Union européenne. On l’a vu ce lundi quand plusieurs médias et personnalités ont salué « la révocation des sanctions prises contre le Burundi par l’UE. » En réalité, c’est le début d’un processus qui peut être long.

Hier en milieu de journée, la radio-télévision nationale du Burundi a annoncé sur son compte twitter « La décision de l’UE de révoquer la mesure qui suspendait l’aide financière aux pouvoirs publics burundais qui fait suite aux évolutions du Burundi en matière de Droits de l’homme et Etat de droit. » Je ne ferais pas l’injure de « manipulation de l’information » ou de « sensationnalisme », à mes collègues du média public (où tout jeune j’ai d’ailleurs fait mes premières armes). Je veux juste montrer que dans ce domaine, la haute diplomatie, plus qu’ailleurs, pour les journalistes, la prudence et la nuance doivent être de mise et éviter la simplification. Ce n’est pas pour rien que les médias qui ont les moyens détachent auprès de ces « gros machins » tels l’ONU, l’UE, l’OTAN, etc., des journalistes permanents, spécialisés, souvent des juristes de formation, pour suivre et décortiquer les décisions et autres communiqués de presse de ces institutions pour les rendre un tant soit peu « lisibles » pour le citoyen lambda . Un exercice pas toujours facile pour les journalistes. Après 24 heures, de nombreux échanges et des discussions à Bruxelles, il est possible de dégager quelques clefs pour comprendre le processus enclenché.

1. Comprendre l’article 96 en bref

La mécanique de l’article 96 est la suivante : si une des parties à l’accord considère que l’autre ne respecte pas les dispositions de l’accord, il y a d’abord un dialogue. Si toutes les voies de dialogue ont été épuisées et si une partie continue de ne pas respecter ses obligations, l’autre partie peut lancer une procédure de consultation en vue de trouver une solution. Si aucun accord n’est intervenu à la fin des consultations (en pratique cette phase est souvent rapide dès lors que la violation de l’accord est flagrante et qu’aucune réponse satisfaisante n’est apportée), la partie qui a lancé la procédure de consultation peut prendre des « mesures appropriées » (c’est ce que dans le vocabulaire courant on appelle « sanctions »). Selon l’art. 96, ces mesures doivent être proportionnelles à la violation en question. Concrètement, le choix se porte sur des mesures qui auront un effet négatif aussi limité que possible sur la population. Par exemple, la décision de 2016 concernant le Burundi indique que les actions d’urgence continueront à être financées ; il s’agit notamment de deux programmes, l’un sur la santé l’autre sur la nutrition. Ce sont les modalités de financement qui se trouvent modifiées : l’aide est apportée à travers des agences internationales ou des ONG.

2. Quelles ont été ces mesures dans le cas du Burundi ?

Dans le cas de notre pays, les mesures ont consisté à interrompre l’aide directe à l’Etat burundais. A l’époque, l’enveloppe encore disponible pour le Burundi s’élevait à 322 millions d’euros. Les mesures prennent la forme d’une « décision du Conseil », qui, en droit de l’UE, est un acte obligatoire, qui s’impose à toutes les institutions et aux Etats membres. Cette décision, qui clôt les consultations, est accompagnée d’une lettre adressée à l’Etat concerné et d’une annexe qui détaille les mesures. Ce texte peut être lu ici : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2016:073:FULL&from=EN

3. Dans quelles conditions ces mesures peuvent-elles être levées ?

C’est bien précis : l’article 96 indique que « ces mesures sont levées dès que les raisons qui les ont motivées disparaissent ». La décision prévoit qu’elle fera l’objet d’un réexamen tous les six mois.

4. Quelles sont les différentes étapes du processus de levée des sanctions ? 

Selon différentes sources contactées à Bruxelles, schématiquement cela commence par une évaluation de la situation dans le pays concerné. La Délégation de l’UE au Burundi informe le siège à Bruxelles). L’UE et ses Etats membres ont l’obligation de réexaminer la situation tous les six mois. «  La tenue ou le redémarrage de réunions de dialogue politique est un élément favorable pour le pays sous sanction », explique un diplomate. Ensuite la discussion a lieu à Bruxelles au sein du Groupe Afrique qui rassemble, à un niveau technique, les représentants des Etats membres. Lorsqu’un consensus s’est formé au sein de ce Groupe, un projet de décision est préparé (par la Commission, en accord avec le Haut Représentant pour les affaires étrangères), la question est inscrite à l’ordre du jour du Conseil qui adoptera alors formellement la « décision ». En termes simples. Il faut comprendre que c’est cette nouvelle décision, qui donc n’est pas encore formellement prise, qui mettra fin à la précédente (celle de 2016).

5. Le processus peut durer combien de temps ?

Sur ce point, aucune de mes sources n’a voulu s’avancer pour donner un timing précis. Cependant, un consensus sur « une levée des sanctions » se serait formé à Bruxelles sur ce point. Il resterait à mettre en forme la décision. Là ce sont les services juridiques qui entrent en action. Puis la décision est inscrite à l’ordre du jour d’un prochain Conseil (c’est au niveau des ministres, et ce conseil se réunit en général une fois par mois). Cette procédure peut prendre encore plusieurs mois.

6. Qui prend la décision finale ? 

C’est le Conseil (des ministres) ; mais s’il y a consensus au sein du Groupe Afrique, le Conseil, en général, ne fait qu’entériner.

7. Est-ce que le processus de révocation des sanctions est aujourd’hui  irréversible ?

Si l’on arrive à une décision qui met fin à la « mesure » prise sur la base de l’article 96, on revient à l’application normale de l’accord. Sur ce point, les différentes sources sont unanimes. « L’UE va maintenir sa vigilance. S’il advenait que l’UE considère qu’il y a une nouvelle violation de l’accord, une nouvelle procédure devrait être enclenchée. » Mais, « il n’est pas impossible que la reprise de l’aide directe à l’Etat burundais soit envisagée de manière progressive ; la décision de 2016 prévoit en effet que les mesures peuvent être “adaptées à l’évolution de la situation” (s’il y a une amélioration vers le respect de l’accord de Cotonou, une partie de l’aide peut reprendre).

Ce n’est donc pas par un “claquement de doigts” que les relations entre le Burundi et l’UE vont revenir à la normale. Les décisions de l’UE sont toujours « lourdes et longues à prendre, à lever aussi », expliquent les spécialistes. Mais les relations entre l’UE et le Burundi sont aujourd’hui sur « une bonne trajectoire », c’est indéniable. On ne peut exclure qu’il y ait une dimension « incitative dans la politique actuelle de l’UE » qui essaie de convaincre le Burundi à s’engager plus en matière de respect des droits humains et de l’Etat de droit en montrant par une certaine reprise de l’aide tout ce que le Burundi aurait à gagner en prenant les mesures attendues. Une carte que pourrait jouer le gouvernement burundais à la grande satisfaction de la population qui a besoin de respirer sur le plan économique et des libertés.

Par Antoine Kaburahe                                                                                                                 @IWACU