Journal Iwacu
Au lendemain des Etats généraux de la justice, tenus à Gitega durant cinq jours, la libération de Michel Nurweze, alias Rwembe, vient remettre en question, une fois de plus, l’indépendance de la magistrature qui a fait couler tant d’encre et de salive. Le chemin à parcourir est encore long …
Au lendemain des Etats généraux de la justice, tenus à Gitega durant cinq jours, la libération de Michel Nurweze, alias Rwembe, vient remettre en question, une fois de plus, l’indépendance de la magistrature qui a fait couler tant d’encre et de salive. Le chemin à parcourir est encore long …
Le Commissaire Michel Nurweze,alias Rwembe |
L’arrestation de Michel Nurweze, alias Rwembe, a lieu quelques jours avant la conférence des bailleurs de fonds du Burundi, tenue à Genève, en octobre dernier.
Certains avaient déjà prédit une mise en scène du pouvoir pour faire momentanément les yeux doux à la communauté internationale.
Cet ancien commissaire adjoint de la police à Gitega, Michel Nurweze, avait été arrêté en août dernier, accusé par la population d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires ou torturé des habitants. Son arrestation avait suivi la mise en place, par le procureur général de la République, d’une commission chargée d’enquêter sur ces cas d’exécution extrajudiciaire. Un crime que la commission ne reconnaîtra finalement pas.
Michel Nurweze était cité comme principal auteur dans l’enlèvement et la décapitation de Léandre Bukuru tué à Gitega. D’autres accusations avaient été formulées contre lui, l’assassinat de Juvénal Havyarimana, un élève kidnappé du quartier Magarama dans la ville de Gitega et retrouvé mort à Mwaro, celui de Claude Nkundamahoro alias Nzungu de Gatumba, décapité, et l’assassinat d’Emmanuel Misago, un citoyen de Songa, commune et province Gitega. Ainsi que des tortures infligées à Zacharie Ngenzebuhoro et Philibert Kimararungu.
Lors de ses comparutions, l’ancien commissaire adjoint à Gitega a toujours nié les faits lui reprochés, jusqu’à accuser les victimes d’être à la solde des manipulateurs qui n’apprécient pas le travail accompli dans le maintien de la paix et la sécurité au Burundi
Un prévenu qui ne semble pas inquiété
« Je suis ici parce que j’ai pris de bonnes initiatives pour la sécurité du pays. Je demande d’ être libéré et blanchi parce que tout ce dont on m’accuse ne sont qu’une série de manipulations orchestrées par des soi-disant associations des droits de l’homme et certains médias », a parfois plaidé Rwembe, en déclarant « avoir toujours fait son travail de policier dans l’intérêt public. » Et sa défense a toujours qualifié ces accusations de sans valeur, puisqu’aucun témoin à charge ne s’est jamais présenté physiquement à la barre. Pourtant, le principal témoin, l’ancien chef de colline Songa, Gaston Gahungu n’a jamais été convoqué par le tribunal de grande instance de Gitega.
Le ministère public avait requis la perpétuité pour l’enlèvement et l’assassinat de Léandre Bukuru, avec 140 millions de Fbu de dédommagement. A propos des tortures infligées à Zacharie Ngenzebuhoro, 15 ans de servitude pénale et une amande de 12 millions ont été demandés, tandis que, sur le cas de Philibert Kimararungu, l’accusation avait souhaité que l’accusé purge 15 ans d’emprisonnement ferme, et qu’il verse 15 millions de Fbu à la victime.
Le 12 août dernier, le tribunal a levé la plupart des charges portées contre Michel Nurweze, alias Rwembe. Notamment l’assassinat de Léandre Bukuru et des tortures infligées à Zacharie Ngenzebuhoro. Il a décidé que Philibert Kimararungu n’a pas été torturé, mais a eu de simples blessures. Rwembe a ainsi été puni d’un emprisonnement de trois mois et du paiement d’un million de francs burundais en guise de réparation. Et comme il vient de passer plus d’un an sous les verrous, M. Nurweze a été libéré.
Une indépendance de la magistrature encore loin …
Pierre Claver Mbonimpa rappelle qu’aucune personne accusée de crime extrajudiciaire n’a jamais été condamnée. Pour lui, malgré les recommandations faites lors des Etats généraux de la Justice à Gitega, les magistrats ne peuvent pas être indépendants tant qu’ils sont téléguidés par le pouvoir : « l’indépendance de la magistrature décrétée à Gitega n’est pas pour bientôt. C’est pourquoi le ministre de la Justice se cramponnait à son maintien et à celui du président de la République dans le bureau du Conseil supérieur de la magistrature, pour garder la main mise sur l’appareil judiciaire. »
A partir du cas Rwembe, ajoute Vital Nshimirimana, le président du FORSC, nous croyons qu’il y a une main derrière, surtout quand il s’agit de protéger un agent public qui a commis des crimes ignobles.
Lors des ces assises de Gitega, l’impunité a été dénoncée comme cause des violations massives des droits de l’Homme. « Mais, concomitamment à ces assises, certains magistrats ont pris leur décision et confirmé leur manque de disposition à être indépendants, en rendant une justice équitable et impartiale », se désole M. Nshimirimana. Car, ajoute-t-il, dans cette affaire, il était possible de constater sans beaucoup d’efforts la commission des crimes par le prévenu : « Mais, en requalifiant les faits, le juge a eu honte d’acquitter purement et simplement le prévenu, même si ce qu’il a fait vaut acquittement. » Pour M. Nshimirmana, c’est le pire des cadeaux que certains magistrats puissent donner à la population au lendemain des Etats généraux de la Justice, où plusieurs participants se sont battus pour défendre le respect de l’indépendance de la magistrature.
« Une honte pour la justice burundaise ! »
Pour Pacifique Nininahazwe, président du Forum pour la Conscience et le Développement (Focode), l’acquittement de Michel Nurweze, alias Rwembe est une honte à la justice burundaise. C’est un message bien clair que, signale-t-il, le pouvoir vient de lancer : « Regardez, ce que nous arrêtons, nous finissons par les acquitter. N’ayez pas peur de continuer, nous pourrons vous acquitter. Il n’y aura pas de suite aux crimes dont vous serez responsables ».
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