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9 mars 2013

Burundi : le Forum national des femmes, un enjeu pour le pouvoir

Syfia Grands Lacs
 Choquées par la mainmise des militantes du pouvoir en place sur le tout nouveau Forum national des femmes, les associations féminines burundaises ont décidé de s'en retirer. Pour les autorités en place, contrôler ce forum et ses financements est un atout en vue des élections de 2015.

"Nous avons pris la décision de nous désengager du processus de mise en place du Forum national des femmes, simplement parce que nous n’avons pas été véritablement associées aux préparatifs alors que 50% des places au comité technique électoral devraient revenir aux femmes issues de nos associations", a déclaré, le 27 février, Soline Rubuka, secrétaire général du Collectif des associations féminines oeuvrant au Burundi (CAFOB). 

Du 25 février au 1er mars, les femmes burundaises étaient appelées à participer activement à un processus électoral marathon, décliné en trois scrutins, pour mettre en place le Forum national des Femmes : élections collinaires le 25 février, communales le 27 février et provinciales le 1er mars. 

C’est le 8 mars que les 85 femmes élues au niveau des 17 provinces du pays devraient élire en leur sein la présidente nationale du Forum et tout le bureau. Mais le processus a été politisé.

 "En commune de Buganda (province de Cibitoke, 70 km au nord-ouest de Bujumbura), c’est la femme du gouverneur de province qui vient en tête, suivie de celle du président du parti Cndd-Fdd, au pouvoir et de trois autres militantes du même parti", constate Anatolie Ndayishimiye, présidente du CAFOB.

Elections de la discorde

La colère des leaders femmes des organisations de la société civile gronde. Elles accusent le parti présidentiel d’avoir tout fait pour récupérer le processus et faire émerger les militantes pour piloter le Forum. 

"A notre insu, les militantes du parti ont remué monts et vallées pour atteindre les femmes rurales et même dans les quartiers de la mairie, afin de se faire élire", confie anonymement une militante des droits de l’homme. 

Le 20 février, quatre grandes organisations féminines (Collectif des associations et Ong féminines du Burundi, Dushirehamwe, Synergie des partenaires pour la promotion des droits des femmes et Réseau femmes et paix) ont saisi, dans une correspondance, la ministre de la Solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre. Elles y expriment leurs inquiétudes à propos notamment du calendrier trop serré et de la sous-représentation des organisations féminines de la société civile les plus représentatives dans le comité technique électoral. 

"A l’intérieur du pays comme en Mairie de Bujumbura, les femmes nous disent qu’elles ne sont pas au courant du processus, c’est pourquoi elles n’y participent pas. A-t-on jamais vu des élections nationales qui se préparent et se tiennent en dix jours ?", s’interroge ouvertement Joséphine Ntahomvukiye, représentante légale de Dushirehamwe.

S'assurer du vote des femmes
Pour le pouvoir ou le parti politique qui l’incarne, ces allégations des activistes de la société civile sont infondées. Car les élections sont libres et les candidates n’ont pas, apriori, de couleur politique.

 "Depuis que le décret-loi régissant ce Forum a été signé en novembre dernier, les sensibilisations ont commencé dans les différents milieux jusqu’au niveau de la base, affirme Estella Cimpaye, directrice générale de la promotion de la femme et de l’égalité des genres. Nous avons tout fait pour en parler aux représentants des associations de la société civile, de l’administration locale, des confessions religieuses afin qu’ils mobilisent les femmes pour aller élire et se faire élire." 

"C’est du bluff, lui rétorque Soline Rubuka, car nous n’avons jamais été informées du calendrier électoral."

Pour les organisations féminines, les autorités, bien qu'elles s'en défendent, ne veulent pas que Forum leur échappe.

 En effet, selon l'article 3 de la loi qui le régit "le Forum national des femmes est un cadre qui permet d’agir comme un organe consultatif et un lieu institutionnel légitime qui favorise l’écoute et l’expression des intérêts de toutes les filles et femmes de toutes les couches sociales du Burundi ; d’harmoniser les stratégies de plaidoyer pour la prise en compte de la dimension genre dans tous les secteurs de la vie nationale… ". 

En cette période où le pays chemine vers les élections générales de 2015, où une bonne partie des organisations de la société civile est soupçonnée d’être de mèche avec l’opposition, maîtriser ce pôle féminin serait une aubaine, pour le pouvoir.

 A cet enjeu politique s’ajoutent des calculs matériels. Car le Forum va drainer des financements comme le fixe l’article 12 de la même loi : "Les ressources du Forum national des femmes proviennent des subventions inscrites annuellement au budget de l’Etat; des fonds provenant des bailleurs bilatéraux et multilatéraux ainsi que des dons et legs accordés au Ministère de tutelle pour le compte du Forum".

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