Un des télégrammes diplomatiques publiés par WikiLeaks
dimanche détaille les demandes de renseignements confidentiels faites
par l'administration américaine à ses diplomates de la région des
Grands Lacs. Washington a réclamé, par exemple, des recueils
biométriques (ADN, scanner des yeux...) concernant les dirigeants de la
région, ainsi que des informations très détaillées sur les armées et
groupes rebelles de la région.
La liste des informations sensibles réclamées par Washington à
propos du Burundi, de la République démocratique du Congo (RDC) et du
Rwanda paraît infinie. Dans un document de 10 pages, publié par WikiLeaks
dimanche, l'administration américaine a détaillé, en avril 2009, tous
les renseignements sensibles dont elle estimait avoir besoin sur la
région. Le document est classé « secret d'État » et « noforn », ce qui
signifie No Foreigners (non transmissible à des étrangers).
Selon la diplomatie américaine, les deux enjeux clés qui se
distinguent sont les « ressources minières » et « les séquelles du
génocide ».
En application de la directive National Humint Collection (« Humint »
pour « Human Intelligence », renseignement humain), émise par le
secrétariat d'État américain dirigé par Hillary Clinton, une foule
d'informations est demandée aux agents américains sur le terrain.
« Les rapports biographiques informels par e-mail et autres moyens
sont vitaux pour les efforts de collecte de la communauté [du
renseignement] », explique le texte en introduction pour motiver ses
troupes.
Jusqu'à l'ADN des dirigeants
Il est demandé aux agents de recueillir toutes les informations
possibles sur les « personnes liées à l'Afrique des Grands Lacs. (...)
Numéros de téléphone, de portable [...], répertoires de téléphones [sur
CD-Rom ou format électronique si possible] et de comptes e-mail, [...]
numéros de cartes de crédit, numéros de cartes de fidélité des
compagnies aériennes, agendas de travail, et autres informations
biographiques utiles. »
Dans la section consacrée aux leaders politiques, les demandes vont
encore plus loin. Les agents sont priés, de s'informer sur « l'état de
santé, les opinions à propos des États-Unis, [...] l'appartenance
ethnique [tribale et/ou clanique] » des personnages clés ou émergents
dans la « politique, l'armée, les renseignements, l'opposition et les
leaders ethniques, religieux et économiques ».
« Les données devraient inclure [...] les empreintes digitales,
images faciales, ADN et scanner de l'iris » de ces personnes. Et on se
demande quelles techniques étaient employées pour recueillir ces
informations, notamment ADN et scanner de l'iris, à l'insu des
intéressés...
Le Rwanda au centre des préoccupations
Le télégramme réclame en outre des informations sur les relations
entre les États de la région, « en particulier » entre « Kigali et
Kinshasa, et Kampala et Kinshasa ».
Le Rwanda est particulièrement présent dans le document. Kigali est
remercié pour ses réponses aux services américains (le texte renvoi sur
ce point à un autre télégramme pas encore dévoilé par WikiLeaks). Mais
Washington veut aussi obtenir des informations sur la participation aux «
violations des droits de l'homme », telles que des « assassinats
extrajudiciaires » du Front patriotique rwandais (FPR, le parti du
président Paul Kagamé), ainsi que des forces « paramilitaires » locales,
de la « police » ou encore « de civils tutsis contre des Hutus ».
La diplomatie américaine veut aussi en savoir plus sur les divisions à
l'intérieur du « cercle restreint autour du président Kagamé ».
Particulièrement concentré sur les données ethniques, le secrétariat
d'État veut savoir quel rôle elles jouent sur la « prise de décision »,
dans les « armées », les groupes terroristes, ou encore les réfugiés...
Il veut aussi obtenir des informations d'une extrême précision sur
les forces armées, « les détails des installations militaires comme les
bases aériennes et les camps de soldats, les équipements militaires,
dont le nombre, le statut opérationnel, et leurs activités
d'acquisition/rénovation ».
Ennemis et rivaux
Dans le domaine militaire, les agents sont priés de fournir des
détails sur les relations des pays de la région avec d'autres pays
étrangers,«en particulier la Chine, la Libye, le Soudan, la Corée du
Nord, l'Iran, la Russie,l'Ukraine, la Biélorussie et les autres ex-pays
du bloc soviétique ».
Cette préoccupation face à ses rivaux ou ennemis dans la région
transparaît à d'autres niveaux. On s'intéresse ainsi aux « détails du
commerce, de l'aide et des investissements » de Pékin, en particulier
dans le secteur des mines. Mais aussi à ses aides concernant la mise en
place de systèmes de télécommunications ou encore à la perception qu'en
ont les gouvernements de la région.
Les activités de la France ou encore de l'Iran dans la région sont aussi étudiées de près.
Dans le secteur des mines, « le diamant, le cuivre, le cobalt et
l'uranium », dont on veut connaître « le nombre, les emplacements, les
statistiques de productions et les revenues générées », sont sous
surveillance.
Washington cherche aussi à savoir dans quelle mesure les divisions «
ethnique, tribale, religieuse et régionale pourraient attirer les
groupes terroristes régionaux » et quelles sont les opinions des
gouvernements à leur égard.
Plus étonnant, les Américains veulent connaître les sentiments des
gouvernements de la région envers la « nourriture génétiquement modifiée
et la propagation de récoltes génétiquement modifiées. » L'économie
d'un pays n'est jamais totalement détachée de ses objectifs en matière
de renseignement...
Admin@2010
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