L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a mandaté une mission internationale d’enquête au Burundi du 14 au 21 novembre 2010, composée de Olivier Foks, avocat au barreau de Paris, et Damien Chervaz, avocat au barreau de Genève, afin d’évaluer la situation des défenseurs des droits de l’homme au Burundi en cette période postélectorale. Cette mission, selon ce communiqué de presse provenant de L’Observatoire, n’a cependant pu rencontrer la moindre autorité gouvernementale.
«La
délégation a pu rencontrer les acteurs principaux de la société civile
burundaise, des représentants de divers médias, plusieurs avocats
travaillant sur des dossiers jugés sensibles, des membres de l’appareil
judiciaire burundais, ainsi que des membres des représentations
diplomatiques. A l'occasion d'un déplacement à Gitega, les chargés de
mission ont également pu rencontrer des représentants de la société
civile, le gouverneur de la province ainsi que des autorités de police
de cette ville.
En revanche et malgré les demandes officielles d’entretiens transmises
avant le début de la mission, aucune autorité gouvernementale n’a donné
de réponse favorable aux demandes de rendez-vous formulées par la
délégation. Par ailleurs, les chargés de mission regrettent de ne pas
avoir eu accès à la prison centrale de Mpimba (Bujumbura). En effet,
malgré l’obtention d’une autorisation écrite du Directeur général des
Affaires Pénitentiaires, le Directeur dudit établissement pénitentiaire a
refusé à deux reprises l’entrée de la prison, le 19 novembre 2010 «pour
cause de sport» et le lendemain matin, le 20 novembre 2010, au prétexte
qu’il ne travaillait pas ce jour là.
La mission a pu recueillir des informations précises sur la détention
actuelle ou passée de plusieurs journalistes et sur les raisons de ces
incarcérations pour conclure à leur caractère arbitraire au regard du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques. A cet
égard, l’Observatoire est particulièrement préoccupé par la détention
préventive de Jean-Claude Kavumbagu, Directeur du journal en ligne
Netpress. Ce dernier est en effet détenu depuis plus de quatre mois pour
la rédaction d’un article de presse remettant en question la capacité
de l’armée et des forces de police burundaises de prévenir une
éventuelle attaque du groupe islamiste somalien Al Shabab qui revendique
l'attentat terroriste perpétré en Ouganda.
La délégation a également réuni de nombreux témoignages circonstanciés
sur l’existence de menaces récentes proférées à l’encontre de
représentants de différentes organisations de défense des droits de
l’Homme ayant dénoncé des faits impliquant des personnalités proches du
pouvoir.
À cet égard, l’Observatoire exprime sa vive inquiétude relativement aux
diverses pressions et menaces de mort exercées à l’encontre de M.
Gabriel Rufyiri, Président de l’Observatoire de lutte contre la
corruption et les malversations économiques (OLUCOME) et de son épouse,
ainsi que de M. Pierre-Claver Mbonimpa, Président de l’Association pour
la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH). Ces
derniers demandent notamment la poursuite et le jugement des auteurs
présumés de l’assassinat, en avril 2009, d’Ernest Manirumva, ancien
Vice-président de l’OLUCOME. L'Observatoire rappelle que le procès
portant sur l'assassinat d’Ernest Manirumva, qui aurait dû s'ouvrir il y
a plusieurs mois devant la Cour d'appel de Bujumbura siégeant en
juridiction de premier degré, a été reporté sous prétexte du retard pris
dans la délivrance des citations aux prévenus non détenus.
Il ressort par ailleurs de la mission d’enquête que les autorités
burundaises tentent d'entraver le bon fonctionnement de certaines
associations de défense des droits de l'Homme, et en particulier
l’APRODH ainsi que le Forum pour le renforcement de la société civile
(FORSC), en remettant en cause leur constitution légale et en menaçant
de suspendre leurs dirigeants élus. Enfin, les chargés de mission ont
été informés de l'existence de propositions de loi visant à réformer la
réglementation portant sur les associations à but non lucratif et à
créer une commission nationale des droits de l'Homme. L'Observatoire
portera une attention particulière au suivi de l'ensemble de ces
dossiers.
L’Observatoire, qui publiera un rapport de mission début 2011, rappelle
que ces faits s'inscrivent dans une situation postélectorale
extrêmement tendue où le parti au pouvoir cherche à réduire au silence
toute critique sur les modes de gouvernance et les conditions
d'organisation des élections. Cela se traduit par la multiplication des
arrestations et détentions arbitraires, l'exil des principaux dirigeants
politiques d’opposition et l'assassinat de militants politiques du
parti au pouvoir et de l'opposition. Dans ce contexte, l'assimilation
par le pouvoir des défenseurs aux militants politiques est
particulièrement inquiétante pour la poursuite de leurs activités et
leur sécurité.»
Admin@2010
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