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2 mai 2016

Burundi ; Le Vatican juge ambiguës les réactions internationales

La Croix
La diplomatie vaticane s’inquiète des conflits d’intérêts des pays africains et européens au Burundi, qui empêchent tout dialogue honnête pour sortir le pays du chaos.

Le pape François dénonce sans cesse les trafics d’armes qui alimentent les guerres à travers le monde. Aux yeux du Saint-Siège, le Burundi en donne, depuis un an, une terrible illustration. Qui arme le président burundais, Pierre Nkurunziza ? Qui finance la rébellion ? Ce sont les questions que soulève la diplomatie vaticane, « très très préoccupée » devant une « répression silencieuse » exercée par le pouvoir.

Une situation dans laquelle le Saint-Siège ne détecte pour l’heure « aucun signal décisif » pour sortir du cycle de violences. Un dialogue interburundais devrait démarrer le 21 mai à Arusha (Tanzanie). Mais, pour la diplomatie vaticane, tant que les intérêts économiques et géopolitiques des pays de la région des Grands Lacs et des anciennes puissances coloniales – France et Belgique – ne seront pas davantage démêlés, aucun dialogue honnête ne pourra faire bouger les lignes. Il règne trop « d’ambivalences, d’ambiguïtés », regrette-t-on au Saint-Siège, sans se montrer plus explicite.

Ces conflits d’intérêts apparaissent au Vatican comme la clé du problème, qui ne saurait être réduit à un conflit ethnique entre Hutus et Tutsis comme cherche à le faire croire le pouvoir. Ce qu’attendent aujourd’hui le Saint-Siège comme l’Église au Burundi, c’est que Paris, Bruxelles et Washington contraignent par des sanctions le président Nkurunziza à accepter le dialogue.

Des menaces directes pèsent sur l’Église

Sur place, le nonce (ambassadeur du Saint-Siège) à Bujumbura, Mgr Wojciech Zaluski, multiplie les contacts pour chercher, en vain, à faire émerger ce dialogue. Le président de la conférence épiscopale burundaise, Mgr Gervais Banshimiyubusa, reçu vendredi 29 avril à Rome, se dit aussi prêt à parler avec tous alors que le pouvoir accuse l’Église catholique dans le pays à faire l’apologie des rebelles. Le Saint-Siège apprécie au contraire qu’elle soit restée suffisamment distante de la politique, hormis l’exception de quelques prêtres.


Cette prise de distance n’empêche pas que des menaces directes pèsent sur l’Église, autre vive préoccupation à Rome. Des évêques de passage au Vatican ont peur pour leur propre vie. L’actuel « ministre des affaires étrangères » du pape, Mgr Paul Gallagher, le comprend.

Lui-même fut nonce au Burundi de 2004 à 2009, où il avait été nommé après l’assassinat de son prédécesseur. Cette récente expérience dans ce pays, où il a gardé un réseau de contacts, lui permet de suivre de près la détérioration de la situation, dont l’informe aussi, entre autres, la diplomatie belge.

Le pape François s’emploie à ne pas laisser dans l’oubli ce conflit

De là à envisager de s’y rendre, ce n’est pas pour l’heure à l’agenda. Le dialogue apparaît trop bloqué pour qu’un tel déplacement n’ait d’autre sens que médiatique. La communauté de Sant’Egidio ne parvient pas davantage à faire évoluer la situation, observe-t-on aussi depuis le Vatican, proche de cette organisation catholique investie dans la médiation de conflits.

Dans l’immédiat, Rome encourage l’Église sur place et toutes les structures catholiques, comme Caritas, à secourir la population de ce pays de 10 millions d’habitants, en majorité chrétiens, parmi les plus pauvres du monde. Le pape François, qui a reçu au Vatican les évêques locaux il y a juste deux ans, s’emploie à ne pas laisser dans l’oubli ce conflit.

À Pâques, comme à Noël dernier, le Burundi est ressorti comme l’un des pays cités dans ses messages « urbi et orbi ».

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