IWACU
Des crimes hallucinants:
- Des réfugiés Banyamulenge ont été massacrés à Gatumba en 2004.
- Mais aussi à Bugendana et à Buta, où des revendications ont été parfois faites.
Et l’amnistie ne doit pas courir pour les auteurs.
Rappel de ces crimes qui ont traumatisé les Burundais
- Buta, un crime gratuit
- Bugendana : aucune pitié pour les déplacés
21 juillet 1996 : une matinée noire pour les déplacés de Bugendana. 648 déplacés tutsi sont massacrés. Des maisons incendiées, des pillages. Des scènes ahurissantes pour les rescapés. 17 ans après la tragédie, l’angoisse hante les survivants …
A l’ex chef-lieu de la Commune Bugendana, province Gitega, la vie suit son cours normal. Boutiques, bistrots locaux, kiosques,… bordent la route. Des eucalyptus gigantesques datant de la colonisation rafraîchissent la localité. Femmes et jeunes font le petit commerce des arachides grillés, des avocats, des bananes mûres…
Sur la route vers le site des déplacés, presqu’à 20 m avant d’y arriver, un cimetière. De petites croix espacées sur un espace d’à peu près 50 m sur 40 m. Ou plutôt des vies enterrées. Difficile de passer sans dire un mot. Les uns se recueillent pour honorer la mémoire de ces innocents.
D’autres maudissent cette guerre qui a emporté les leurs. Au milieu de la nécropole, une grande croix noire sur laquelle est écrit, en grands caractères: « Au matin du 20/7/1996, génocide des 648 tutsi rescapés de 1993 à Bugendana ».
Au pied de la croix, des gerbes de fleurs comme pour garder, consoler, ces victimes.
Des témoignages troublants
Etienne Niyonkuru, 32 ans, se rappelle cette matinée noire : « C’était vers 5 h 45. Un samedi du 21 juillet 1996, quand nous avons été alertés que nous sommes attaqués par des rebelles». Ils venaient de partout : des collines Mwurire, Cishwa, Mugitega, Kumukoro, toutes de la commune Bugendana. Les assaillants, raconte-t-il, la voix étouffée par l’émoi, étaient accompagnés de civils armés de gourdins, machettes, scandant des slogans tribalistes,… Et leur première cible, se souvient-il, a été une position militaire.
Un épisode qui hante toujours la mémoire d’Etienne Niyonkuru:
« les rebelles ont lancé des bombes à la position. Sur place trois militaires sont morts ».
Ce n’était que le début, renchérit ce rescapé :
« ils se sont ensuite divisés en deux groupes : un pour empêcher les militaires d’intervenir et un autre, dont des civils, s’est introduit dans les maisons des déplacés ».
Des cris, des pleurs, des voix sans défense, qui criaient dans le « désert », qui n’attendaient que périr. « Attends ! Je n’en peux plus, un mouchoir,», réclame M. Niyonkuru au milieu du récit, regards brouillés par les larmes.
Et ce qui fait mal le plus, reprend-il, l’hécatombe se déroulait au rythme d’un refrain bien affiné : « Ingabo za Cndd-Fdd, zamurarasa kamwe kamwe » (combattants du CNDD-FDD, tuer un à un) ponctué des alléluias. Mon Dieu ! »
Avant d’entrer dans les maisons, se rappelle-t-il, les assassins demandaient aux occupants de sortir : « sinon, nous allons mettre le feu à votre maison. » Et ils ont commencé à entrer dans les maisons, qui étaient toutes encerclées, vers 7 h. De l’argent était exigé pour se racheter. Pris de panique, croyant aux dires des rebelles, la majorité a obtempéré : « Et nous, les enfants, qui n’avions rien, nous nous attendions au pire ».
Après le pillage, les assaillants donnaient l’ordre aux civils de tuer tous les occupants, témoigne toujours Etienne Niyonkuru :
« Et pour s’assurer que tout le monde est mort, ils brûlaient la maison ».
Etienne Niyonkuru échappera à la mort de justesse. Après avoir demandé de l’argent, raconte-t-il d’une voix brisée, les rebelles nous ont ordonné de nous coucher par terre, dans une salle commune. Nous nous sommes rangés en dessous d’une large table. J’avais 15 ans. Après un petit silence, poursuit-il, les civils armés attendaient l’ordre des assaillants pour nous lyncher, tout en frappant de gourdins.
Soudain, se souvient-il, désespérée, une femme s’est directement jetée sur un rebelle pour le désarmer de son fusil. A ce moment, un cafouillage total s’est créé. D’autres assaillants se sont mobilisés sur cette dame, téméraire, qui n’avait plus rien à perdre. Après l’avoir dépecée en morceaux, poursuit-il, ils se sont tournés vers nous.
Et paradoxalement, ils ont cru que tout le monde était tué. Ils ont brûlé la maison et sont partis : « N’eût-été l’intervention des militaires en provenance de Gitega, moi aussi j’aurais été calciné. Je suis le seul survivant de cette boucherie. J’ai profité de ce chaos pour feindre le mort. De tous mes côtés, des cadavres ensanglantés. Et moi aussi, teinté de sang, j’ai joué le mort ».
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| Pascal Ntahonkuriye, un des rescapés membre de l’Association des rescapés du génocide de Bugendana-ARGEBU |
Pascal Ntahonkuriye, a aussi eu de la chance. Il était dans une autre salle :
« J’ai tenté de passer par la fenêtre pour me sauver vers la position des militaires, située à quelques mètres de notre maison. Mais, dehors, des rebelles grouillaient partout, habillés de longs manteaux noirs et j’ai du me résigner ».
Et quand ils se sont introduits dans la maison, se rappelle-t-il, ils ont demandé de l’argent. Et dans la salle, il y avait quelques caisses de Primus et d’Amstel. Ils se sont alors mis à tirer sur tout ce qui bouge.
Recroquevillé sous le lit derrière les caisses, raconte-t-il, après le forfait, les bourreaux se sont contentés des boissons. Sur place, Pascal Ntahonkuriye perd huit personnes de sa famille.
D’après Etienne Niyonkuru, les rebelles se sont repliés vers Mwumba, dans la commune Bugendana. Et c’est après cette attaque que ces déplacés se sont installés dans le site actuel sur la Colline Mukoro, commune Bugendana, province Gitega.

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