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Prince Louis RWAGASORE |
A part le dépôt des gerbes de fleurs devant sa statue se trouvant au centre-ville de Gitega, le nom du héros de l’Indépendance n’a été prononcé ni dans les discours ni dans les chants durant les festivités au stade de Gitega. Les tambourinaires de Higiro, eux, encensaient plutôt le président Nkurunziza.
Les cérémonies du 52ème anniversaire de la fête de l’indépendance de ce mardi 1 juillet 2014 commencent avec une prière des représentants de quelques Eglises. A 10 heures, le défilé débute avec les travailleurs de la commune Gitega. Les festivités sont riches en couleurs. 72 groupes doivent passer devant la tribune d’honneur.
Des fonctionnaires de l’Etat, des travailleurs du privé, les représentants des collines et zones qui composent la commune de Gitega, les chauffeurs, les rabatteurs communément appelés Abakokayi … Sans oublier les écoliers du primaire et élèves du secondaire venus en masse ainsi que les étudiants de différentes universités œuvrant en province de Gitega.
Le passage le plus remarqué est celui de l’Ecole technique secondaire d’art (ETSA). Dirigeants et élèves défilent avec un énorme buste du prince Louis Rwagasore. Un buste qui n’a rien à envier à celui de Bujumbura et encore moins à celui tarabiscoté le jour du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi. C’est la seule fois où l’image du père de l’indépendance a flotté au dessus du stade de Gitega.
Après une heure 15 minutes, le défile des civils sera clôturé par des taxis- motards, ce qui souleva des réactions plutôt amusantes, mais non moins sensées de la part du public. «C’est de la pure provocation. Ils défilent devant des commissaires et une escouade de policiers sans casques », lance avec un sourire un homme dans le public. « Et on nous dit de mettre des casques tout le temps. Ces motos devraient être saisis », renchérit un autre.
Une, deux … une, deux …
Le public s’impatiente. Les regards sont dirigés vers l’entrée du stade. «Pourquoi tardent- ils? », s’interrogent les citoyens. Eux, ce sont les militaires et les policiers. L’entrée du commandant des troupes suscite des acclamations. En tenues militaires et policières flambant neuves, les forces de l’ordre paradent pendant 45 minutes à la grande satisfaction de la population présente au stade.
Le défile tant attendu terminé, le stade se vide. Chacun prend le chemin de la sortie. Au moment du discours du gouverneur de la province de Gitega Sylvestre Sindayihebura, du moins celui du président de la République prononcée la veille, il ne reste plus que les forces de l’ordre et les personnes se trouvant dans la tribune. Dans la foulée, le gouverneur octroie des médailles à quatre militaires et deux civils qui ont raflé la deuxième place lors du championnat national d’athlétisme qui a eu lieu au début du mois de juin.
« Seule la couleur de peau du colonisateur a changé »
Pour certains habitants de la commune Gitega, l’indépendance des Burundais n’est que de façade. Selon eux, ils ne sont pas indépendants car croupissant sous le poids de l’injustice et de la pauvreté aggravée par de lourds impôts. Comme ils le font savoir, les puissants continuent d’exploiter le petit peuple, comme à l’époque de la colonisation. « Quand on nous fouettait, c’était nos compatriotes burundais qui exécutaient cette sale besogne, le Blanc commandait à distance. En plus, nos pères fuyaient l’impôt et, aujourd’hui, la situation est presque la même », s’indigne Innocent H., tout en soulignant que son fils, qui est commerçant, s’est exilé récemment en Zambie pour fuir les taxes de l’OBR.
Pour Bacinoni, les dirigeants qui se sont succédé au pouvoir sont devenus de véritables colons : « Dans leurs actes, beaucoup de nos compatriotes ont surpassé le Blanc. Les Burundais ne s’étaient jamais entretués à cause de la cupidité de ceux qui les dirigeaient. »
Quant à ceux qui n’ont pas vécu la colonisation, ils affirment que le colon se basait sur les clans et les ethnies pour embaucher : « Aujourd’hui, l’appartenance politique détermine le statut dans la société. Quand tu n’es pas parrainé par quelqu’un qui est du parti au pouvoir, l’espoir de trouver un bon emploi est en dessous de zéro », témoigne Consolate, détentrice d’un diplôme de licence en économie, sans travail depuis trois ans. « Qu’ils arrêtent de nous chanter l’indépendance, ils devaient plutôt nous avouer qu’ils sont heureux d’avoir récupéré le fauteuil du colonisateur », s’est-elle exprimée avec une voie mélancolique.
Pour la petite histoire, nombre d’habitants de Gitega attendaient avec enthousiasme le premier vol de l’avion dit de Gitega. En vain.
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