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22 décembre 2013

Centrafrique : à Bangui, la tension est à son comble

lesinrocks.com
Alors que les anti-balaka multiplient les offensives pour montrer leur opposition au Président musulman Djotodia, les Seleka, qui l’ont porté au pouvoir, rappellent que leur pouvoir de nuisance reste intacte. Récit de notre reporter à Bangui.

Sous le regard des forces de maintien de la paix, un milicien Seleka mort git
au sol pendant que d'autres tirent sur la population (photo Juan Branco)
Un corps. Face contre terre, allongé sur le rebord, la bouche entrouverte. Un léger creux rouge à l’arrière du crâne. Nous sommes dans le quartier chrétien de Kpetene. Les blindés burundais de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) se sont déployés des deux côtés de la rue. Un peu avant, à quelques centaines de mètres, un bataillon français a mis en place un checkpoint. La presse peut passer. L’homme a été tué avec trois autres personnes. Il gît depuis ce matin. Abattu à un autre checkpoint, tenu par les Congolais de la Misca. Il s’agissait d’un Seleka (la coalition de forces rebelles qui a renversé François Bozizé en mars 2013 puis porté le Président musulman au pouvoir). Il a tenté de dégoupiller une grenade.

Autour du corps, des pick-ups circulent à toute vitesse, embarquent des familles et des enfants par dizaines. A quelques mètres de là, plusieurs dizaines de personnes tentent d’entrer au siège du HCR sans succès. Ce sont des musulmans, ils brandissent leurs bébés. Quelques heures auparavant, les milices réclamant le départ du Président, majoritairement chrétienne, ont tenté de prendre la ville. La tension a monté d’un cran.

On nous demande de partir
Une rafale de tirs, une deuxième. A moins de dix mètres du corps, deux pick-ups de la police centrafricaine venus récupérer leurs morts se sont brutalement arrêtés. Les policiers, armes automatiques au bras, crient sur les habitants amassés dans une petite rue. Là aussi, ce sont des Seleka. Ils devraient être cantonnés. Deux rafales donc, horizontales, sur les habitants. Ont-elles touché quelqu’un ? L’intention y était. Immédiatement, l’arme prend un angle perpendiculaire : on nous demande de partir. Lorsque les forces françaises sont prévenues, elles évacuent le checkpoint… et partent de l’autre côté. Quelques minutes plus tard, les habitants mettront le feu à la voiture des morts, sous le regard toujours impassible des Burundais. Maigre acte de rétorsion.

Des crépitements avaient annoncé le retour de l’instabilité dans Bangui la veille au soir. Vendredi 20 décembre, la nouvelle offensive contre le Président promise par les anti-balaka eu lieu. La précédente avait provoqué la mort de plus de 1000 personnes à la suite de la contre-offensive Seleka. C’était le 5 décembre. Alors qu’hier l’armée française disait sa satisfaction face à une situation stabilisée, et multipliaient les avances aux journalistes, les officiers de presse ne répondent subitement plus. Le changement n’était qu’apparent, et à la moindre sortie – apparemment autorisée par les forces de maintien de la paix – les Seleka tiennent à montrer que leur capacité de nuisance est restée intacte.

Deux jeunes confient avoir servi d’appât pour les forces françaises
Quelques kilomètres plus loin, au rond-point quatrième, plusieurs dizaines de jeunes réclamant la démission du Président s’étaient réunis à midi. Pierres et bâtons à la main, ils comptaient eux aussi descendre sur le centre de la ville. Au passage d’un convoi évacuant les Tchadiens, les pierres ont fusé. Auparavant, taxis, motos et voitures avaient été eux aussi caillassés jusqu’à ce que l’armée française arrive. La réunion est étrange : au milieux des cris, la tension est extrême, sans qu’aucune arme ne soit visible. L’explication arrivera en début d’après-midi. Sur le retour, deux jeunes confieront avoir reçu des ordres pour se réunir sur place et servir d’appât pour les forces françaises. A quelques pas de là, les anti-balaka fourbissaient leurs armes, dans un bâtiment adjacent. Plus d’une centaine de personnes prêtes à tout pour faire tomber le Président musulman. L’échec général de l’offensive ne leur aura pas permis de sortir de leur cache. Ce n’est que partie remise.

A la mi-journée, une dizaine de morts étaient à déplorer.

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