Afriquinfos
Elles sont, aujourd’hui, plusieurs centaines à arpenter les rues de la capitale ou à exercer le plus vieux métier du monde à l’abri du regard, dans des bordels. Plongée dans un monde de plaisirs furtifs.
Ne vous avisez pas à ralentir votre voiture, surtout si vous êtes une âme sensible, Boulevard de l'Uprona, à hauteur du café Aroma ou de la librairie Saint-Paul. Elles jaillissent de la pénombre, entourent le véhicule et vous font mille propositions en adoptant dans des postures lascives : « Ouvre la porte, chéri ! » Ici, Boulevard de l’Uprona, elles raccolent en plein air, livrées au regard des passants. Ailleurs, dans les quartiers, elles exercent dans des bars, plus discrets. Certaines d’entre elles ont à peine 15 ans. « Elles sont de plus en plus jeunes », confirme Gordien, un veilleur de nuit du quartier.
Boulevard de l’Uprona, nous sommes dans « la rue des spectacles ». Sur moins de 50 mètres, on trouve cinq night clubs, deux restaurants, un bistrot et deux cafés. Pas moins ! Plus deux distributeurs de billets - sait-on jamais - pour ceux qui seraient à court d’argent. Dans ce périmètre du centre-ville, ouvriers turcs travaillant sur le chantier de la future ambassade américaine ou contremaîtres chinois croisent les clients burundais et autres, à la recherche de plaisirs nocturnes.
Une voiture aux vitres teintées s'arrête, embarque une jeunette en robe courte, démarre en trombe, sans doute de peur d’exposer aux regards indiscrets sa plaque minéralogique. Ce sont souvent des jeunes filles venues de l'intérieur, attirées par le mirage de la capitale, et qui n’ont pas d’autre choix pour survivre. Sans formation, ces anciennes « bonnes » et ces veuves se retrouvent sans transition sur le trottoir.
Sous le sceau de l’anonymat, l’une d’elles admet travailler à contrecœur : « mon corps reste insensible, alors que cela devrait être un moment de plaisir, d’épanouissement. C’est dur, mais je n’ai pas le choix. » Au centre-ville, la passe est à 15 000 Fbu (5280 F CFA). Dans les quartiers populaires, elle se situe entre entre 2000 et 5000 Fbu (entre 700 et 1800 F CFA).
Dans un pays où le taux de prévalence du sida est élevé, elles prennent des risques inconsidérés, certains clients refusant de porter le préservatif, quitte à débourser plus. Il y a aussi les risques de viol, le cas de clients refusant de régler la passe, les malfrats qui dépouillent les filles de leur recette ou les inévitables rafles de la police. « Nous sommes des parias », se lamente Adèle, une prostituée de Kamenge. « Je préfère les clients étrangers. Ils sont plus réglos », tranche Anne.
Dans la commune Buyenzi, quelques « travailleuses du sexe » se sont mieux organisées. Elles ont loué en commun une maison. Les clients savent où les trouver. Aïcha décrit leur vie quotidienne : « Nous sommes au nombre de quatre dans une maison de quatre chambrettes. Le client fait son choix en arrivant. Le prix est fonction de ses désirs. Il peut même manger avec nous, à condition, bien entendu, de payer son repas. »
A, 45 ans, chauffeur de camion-remorque, reconnaît être un client régulier des filles de joie : « Je suis veuf. Je vais souvent chez une prostituée. C’est rapide et moins compliqué que de prendre une seconde épouse. »
Jean d’Arc Kabanga, coordinatrice de la SWAA-Burundi (Society for Women Against Aids in Africa), explique que son ONG encadre les travailleuses de sexe et les sensibilise à l’usage du préservatif.
Elle assure que certaines prostituées parviennent à se refaire une autre vie. Notamment, grâce à l’assistance de caisses de solidarité, elles peuvent démarrer un petit commerce et devenir autonome. La coordinatrice de SWAA-Burundi déplore néanmoins le recrutement croissant de jeunes élèves, étudiantes et femmes domestiques par d’anciennes prostituées. A cause de la précarité de la vie, les jeunes filles n’arrivent pas à résister à l’attrait de l’argent facile, précise t-elle.
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