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29 mars 2012

Burundi:spécial réactions après la grève générale du 27 mars 2012

Net Press
La définition du mot « grève » dans l’entendement du pouvoir actuel.
Durant les premiers jours de la Révolution française de 1789, une anecdote devenue proverbiale que l’on prête aux privilégiés de la cour royale de Louis XVI voudrait que ces derniers auraient répliqué aux insurgés qui réclamaient leurs droits que : « Oui, effectivement, vous avez des droits qui sont au nombre de trois : le premier c’est de n’en avoir pas, les deux autres se résument en obligations, àsavoir,payer vos impôts et applaudir quand le roi passe ».

Dans notre pays, plus de 200 ans plus tard, l’interprétation de la grève et les droits qui l’accompagnent tel que l’entend le pouvoir actuel peut être calquée sur celle des droits que revendiquaient les révolutionnaires français de 1789 et l’interprétation cynique qu’en faisaient les courtisans de Louis XVI.
Même du temps de Micombero et de Bagaza, la grève était définie comme la dernière solution des travailleurs mécontents, lorsque toute autre forme de négociations est devenue impossible. Sous la République actuelle du Cndd-Fdd, même ce « service minimum » - resté purement théorique il est vrai sous les régimes monopartites – n’a pas été accordé aux travailleurs innombrables, miséreux et misérables le mardi 27 mars 2012.
En effet, combien de fois les syndicats et les organisations de la société civile n’ont-ils pas appelé le gouvernement à un dialogue destiné à soulager la misère de la population, rejeté par les destinataires ? Et lorsque les représentants de l’Etat voulaient bien venir pour rencontrer la partie demanderesse, c’était pour lui imposer des exigences qui avaient l’apparence des solutions à prendre ou à laisser.
Hier, ceux qui ont appelé au boycott du travail, en demandant à leurs adhérents de rester pacifiquement chez eux pour ne pas provoquer des troubles dans les rues ou sur leurs lieux de travail ont été qualifiés des fauteurs de ... troubles, de semeurs de misère et de pauvreté, tout cela pour dire que le droit à la grève reconnu par la constitution n’a aucun contenu. Visiblement, comme en France en 1789, dans ce pays, le premier des droits à la grève est de n’en avoir pas à la différence près qu’au pays des droits de l’homme, les insurgés finiront par décapiter la tête du roi et de la monarchie, le 21 thermidor 1793, ce qu’on ne souhaite pas naturellement pour notre pays, afin de ne pas retomber dans la bourrasque sanglante de l’après 21 octobre 1993.

Le pouvoir tenté par un dangereux retour en arrière vis-à-vis de la société civile.
La grève générale largement suivie hier dans la capitale burundaise a donné lieu à des débats et des prises de position derrière lesquels on a senti la volonté diffuse du pouvoir d’en découdre de nouveau avec les organisations de la société civile exactement comme à l’automne 2009, quelques mois seulement avant le lancement de la campagne électorale de 2010. On se souvient que le ministre de l’intérieur avait momentanément refusé de reconnaître l’existence légale des associations se réclamant de la société civile avant de se rétracter.
Dans un communiqué officie rendu public hier dans l’après-midi, le porte-parole du gouvernement a demandé au ministre chargé de suivre de près les organisations de la société civile (i.e. Edouard Nduwimana) de revoir les statuts qui les régissent, ce qui constituerait un dangereux retour en arrière, quelques jours seulement après un accord entre les deux parties.
Cet accord qui avait recueilli la satisfaction explicite du secrétaire exécutif, M. Raymond Kamenyero, devait mettre fin à la guéguerre entre le ministre de l’intérieur et les organisations de la société civile, après le vote positif par les deux chambres du parlement (mais qui n’a pas encore eu lieu) tout cela pourrait être remis en cause après la mauvaise humeur gouvernementale d’hier. Au passage, on peut se demander quelles sont les raisons de cette radicalité du pouvoir après une journée d’arrêt de travail qui aurait été un échec pour ceux qui ont voulu paralyser les activités dans tout le pays, si l’on en croit les représentants de l’Etat qui se sont succédé devant micros et caméras pour féliciter les « nombreux » travailleurs qui sont restés sourds aux sirènes des fauteurs de troubles.
Tout ce que l’on espère est que cette réaction colérique du gouvernement ne soit qu’une sorte de mauvaise humeur passagère par définition et que les relations entre le pouvoir et la société civile, faute d’être chaleureuses et amicales, redeviennent correctes comme entre gentlemen chez qui la raison prend toujours le pas sur la passion.

Pierre Nkurunziza serait mieux inspiré de suivre le modèle de Macky Sall.
La victoire incontestable de Macky Sall au Sénégal au second tour de la présidentielle du dimanche 25 mars 2012 a donné des idées hier au président de la Cosybu à l’issue de la grève générale qui fut un franc succès, malgré le refus du pouvoir de reconnaître la réalité en face.
Rappelant un des principaux thèmes de campagne qui a si bien réussi au nouveau président sénégalais, Tharcisse Gahungu a déclaré que c’est parce que l’ancien premier ministre dénonçait la vie chère qui pesait sur le quotidien des Sénégalais que ces derniers lui ont accordé massivement leurs suffrages.
Le président de la Cosybu aurait pu y ajouter deux autres thèmes parleurs qui ont séduit les électeurs sénégalais le dimanche dernier et qui pourraient l’être en 2015 au Burundi si rien ne change d’ici les prochaines échéances électorales, à savoir, la lutte contre le train de vie de l’Etat et surtout, la bataille contre les corrupteurs et les corrompus.
Certes, le Burundi et le Sénégal ne sont pas comparables sur beaucoup d’aspects dans la droite logique d’un proverbe immortalisé par le président-poète qui gouverna son pays de 1960 à 1980 : « comparaison n’est pas raison », mais le sentiment de révolte électorale des électeurs burundais à terme, si nos dirigeants continuent à croire qu’ils peuvent faire du n’importe quoi devant une population longtemps frustrée par le silence que l’on voudrait lui imposer.

Position de la Cnidh par rapport à la vie chère dans notre pays.
La Commission nationale indépendante des droits de l’homme (Cnidh) a analysé ce mardi 27 mars 2012 lors de sa séance ordinaire, le conflit entre le gouvernement, les leaders syndicaux et la société civile et ayant conduit à l’arrêt du travail toute la journée d’hier.
Révérend Frère Emmanuel Ntakarutimana, président de cette commission rappelle que le déclenchement de la grève généralisée ait lieu après deux séances de dialogue entre les parties antagonistes qui n’ont pas abouti à un consensus sur trois questions de fond. Il s’agit de la récente augmentation des tarifs de laRégie de production et de distribution d'eau et d'électricité (Regideso) avant l’audit financier qui avait été recommandé par l’assemblée nationale, le paiement de l’impôt professionnel sur les rémunérations par les dignitaires et mandataires politiques dont la mise en œuvre nécessite une réforme légale d’après le gouvernement et l’assemblée nationale ainsi que la mise en place d’un cadre formel de dialogue social sur la vie chère.
Tout en reconnaissant que la vie devient de plus en plus chère au regard de la flambée des prix des produits de première nécessité, la Cnidh salue l’effort de dialogue et de rapprochement amorcé entre les parties dans un contexte économique aussi difficile. Néanmoins, elle déplore que ce dialogue n’ait pas abouti à un consensus sur les stratégies efficaces de lutte contre la vie chère dont les conséquences aggravent les conditions de vie de la population.
Ainsi, la Cnidh recommande aux parties en conflit de privilégier la voie du dialogue, de la tolérance, de l’ouverture et de la concertation sur une question aussi complexe qu’est la vie chère au lieu d’une guerre médiatique aux effets pervers.
Plus clairement, elle recommande au gouvernement de mettre sur pied un cadre spécifique de dialogue social représentatif des principales forces sociales et économiques où toutes les questions en rapport avec la vie chère au Burundi seraient abordées, notamment les tarifs de la Regideso, la détaxation des produits alimentaires et l’imposition des revenus de certains dignitaires et mandataires. La même commission lui recommande aussi de redynamiser le Conseil économique et social dont le mandat consultatif couvre tous les aspects du développement économique et social du pays.

A la société civile et aux syndicats, il est recommandé de se prêter à l’exercice d’analyse de la question dans toute sa complexité tant sur le plan national, régional qu’international. La Cnidh leur recommande également de faire preuve de professionnalisme et de perspicacité afin que les actions menées et les revendications exprimées ne soient l’objet d’une quelconque exploitation politicienne.

Qui entre le pouvoir et la société civile a intérêt à tirer profit du drame de Gatumba ? S’interroge notre correspondant à Montréal.

« Dans le bras de fer qui oppose de nouveau le gouvernement aux organisations de la société civile, il est une voix qui a regretté amèrement les propos tenus par le secrétaire général et porte-parole du gouvernement, M. Philippe Nzobonariba. C’est celle de Mme Gertrude Kazoviyo, une femme de l’ethnie tutsi que je ne connais pas personnellement mais qui, semble-t-il, est très appréciée dans la capitale burundaise pour son art consommé de décortiquer le langage et son honnêteté intellectuelle, y compris dans les milieux hutu, ce qui ne manque pas d’intérêt.


             Nzobonariba
« M. Nzobonariba a la fâcheuse habitude de retourner contre les organisations de la société civile les situations difficiles que traverse le pays comme aujourd’hui la vie chère devenue intenable pour nos compatriotes. Pour Mme Kazoviyo, le porte-parole du gouvernement voudrait faire croire à l’opinion tant nationale qu’internationale qu’en dénonçant ce qui ne marche pas dans le pays et en proposant les voies de solution alternatives, c’est la société civile qui crée elle-même ces situations, et oh injure suprême, en profite sur le plan financier.
 « Ce raisonnement a conduit le secrétaire général et porte-parole du gouvernement, selon Gertrude Kazoviyo, à déclarer au grand jour, sans rire, que les organisations burundaises non gouvernementales ont tiré profit du sang versé à Gatumba dans la dramatique soirée du 18 septembre 2011, parce qu’elles réclamaient que les auteurs de ces massacres – les vrais – soient cités à comparaître devant les instances judiciaires, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à ce jour.

« Ce cynisme sans nom, vu d’ici au Canada, me pousse à me poser un certain nombre de questions. Qui, entre les organisations de la société civile et ceux qui ont commandité le meurtre de citoyens innocents dans l’intention de faire arrêter Agathon Rwasa partout où il se trouverait, avait intérêt à ce que ce drame se produise ?

« En d’autres termes, faut-il blâmer ceux qui cherchent à ce que justice soit faite pour éviter le « plus jamais ça ? » même si pour y parvenir, il faut interroger de grands dignitaires casqués devenus intouchables comme à l’époque des régimes que l’on croyait révolus ? Non, M. le secrétaire général du gouvernement, le Burundi a changé de temps, de mœurs, même si de façon paradoxale, vous donnez l’impression de figurer parmi ceux qui résistent au changement. Faudrait-il que je vous rappelle mon admiration envers votre personne, lorsqu’à la veille de l’accession de Melchior Ndadaye au pouvoir, vous étiez un des porteurs d’espoir pour l’immense majorité des Hutu par votre slogan « Ntureganywe » ? Aujourd’hui, en diabolisant à outrance même au nom du gouvernement les organisations de la société civile qui ne font que reprendre votre combat de 1993, vous vous reniez vous-même en oubliant la situation de misère dans laquelle se trouvent « vos frères » et tous les autres Burundais comme il y a 19 ans. C’est profondément sidérant, c’est bien dommage, c’est regrettable de voir à quel point les intérêts du moment font oublier les misères du passé ».
Ngenzirabona

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