Au nord du Burundi, des Batwas, pauvres et privés de terres, volent pour survivre. Incapables de rembourser, des villageois les tuent parfois pour les punir. Ces meurtriers ne sont jamais jugés.
"Être volé par un Pygmée, c'est comme se faire piquer par un moustique ! On ne demande pas le remboursement !", compare maladroitement un habitant de Gahombo à Kayanza. Au nord du Burundi, toujours aussi pauvres, certains Batwas volent pour survivre. Incapables de rembourser et ne bénéficiant d'aucun droit, ceux qui se font attraper sont assassinés. Ce qui ne semble même plus choquer certains habitants. "Depuis mon enfance, les Pygmées volent. Sur les collines où ils résident, les gens ne dorment pas tranquilles, craignant d'être cambriolés", fait savoir un vieux d'environ 70 ans.
Les Batwas sont accusés de voler dans les champs et les maisons. En novembre dernier, en zone Zina, dans la province Bubanza, au nord-ouest du pays, un Twa suspecté a été tué après avoir été amputé de ses oreilles. Fin octobre, trois Pygmées de la colline Businde en province de Kayanza avaient été assassinés lors d'une attaque menée contre leur village par des voisins. Les autres avaient fui, craignant de subir le même sort. L'attaque faisait suite aux cambriolages attribués aux Batwas de cette colline.
Les Pygmées représentent 1 % de l'ensemble de la population burundaise. Ils n'ont généralement pas de terre à labourer. Les associations pour la promotion de leur développement en réclament pour eux. Mais, parmi ceux qui finissent par en avoir, certains les revendent pour avoir tout de suite de quoi manger. Impossible en effet d'attendre les récoltes, car, dans la plupart des cas, ils ne reçoivent que des petites parcelles sur des terres infertiles abandonnées.
Affamés, terrorisés, utilisés
Pour survivre, les Batwas comptent sur la poterie et la vannerie, mais ces activités ne leur procurent que de très maigres revenus. Les bons jours, ils vendent deux pots à 200 Fbu (0,15 $). Ce qui ne leur fait, au mieux, moins de… 10 $ par mois ! Certains sont donc poussés à mendier ou à voler. "Pourquoi mangez-vous, alors que nous mourons de faim ?". Tels sont les mots qu'auraient prononcés des Pygmées surpris en train de voler les récoltes dans les champs de leurs voisins sur la colline Rugori en province de Ngozi. En 2009, des Pygmées de la colline Mivo avaient détruit les champs de maïs de leurs voisins de la même localité.
Plusieurs membres de l'Union pour la promotion des Batwas (Uniproba) demandent à l'administration et aux institutions judiciaires de donner suite aux enquêtes et aux procès en cours, plutôt que de laisser "pourrir" la situation : "Ces personnes ne doivent plus être victimes ni de leur pauvreté, ni de leur minorité. Si un Twa pèche, qu'il soit puni par la loi comme n'importe qui, mais il ne doit pas être tué." Jusqu'à aujourd'hui, ceux qui ont assassiné trois Pygmées sur la colline Businde et tué celui de Bubanza ne sont toujours pas arrêtés. Portant, tout le monde les a vus faire...
Pas mal de gens ont désormais peur de parler. "Comment pourrais-je me plaindre alors que mon enfant est mort de coups de bâton devant l'administrateur ? Où irais-je après le procès ?", s'interroge en pleurant la mère d'une victime. Les Pygmées laissent donc le soin aux ligues des droits de l'Homme d'entamer des procès.
En attendant une hypothétique justice, pauvres et ignorants, ils sont des proies faciles. Des gens sans scrupules les utilisent pour obtenir des avantages qu'accordent certaines conventions d'équilibres ethniques. De même, selon des habitants de la colline Businde, des Batwas seraient utilisés par des gens d'autres ethnies pour cambrioler les maisons.
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