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4 avril 2013

Le rôle contesté de Pretoria en Centrafrique

Treize soldats sud-africains ont été tués à Bangui lors d'un affrontement avec les rebelles de la Séléka. C'est le bilan le plus lourd dans des opérations extérieures depuis les guerres régionales du régime d'apartheid.


Patrouille de l’armée sud africaine
Que diable des soldats sud-africains allaient-ils faire dans cette galère? «Ce n'est pas notre région, l'État n'y a pas d'intérêt économique que nous connaissions, et il n'y a pas de mandat international qui justifie notre participation à cette guerre», observe une éditorialiste du Daily Maverick. Pretoria apparaissait comme le dernier allié du régime de Bozizé. En janvier dernier, sur sa requête, l'Afrique du Sud avait envoyé 298 soldats en Centrafrique, en plus de la vingtaine déjà présente en vertu d'un accord de coopération militaire de 2007 sur la formation des troupes locales. Elle paye aujourd'hui le prix fort pour son implication: 13 soldats tués lors d'un affrontement avec les troupes de la Séléka, samedi 23 mars, soit le bilan le plus lourd dans des opérations extérieures depuis les guerres régionales du régime d'apartheid.

Le président Jacob Zuma se retrouve ainsi sous le feu des critiques: des soldats revenus de Centrafrique, cités par la presse locale, font peser un doute sur la véritable nature de leur mission, puisqu'ils disent avoir été chargés de la protection de Bozizé et non d'une tâche de formation. L'hebdomadaire Mail & Guardian affirme que les soldats avaient été dépêchés pour protéger des intérêts économiques du parti au pouvoir, l'ANC. Celui-ci, furieux, menace de poursuivre le journal pour diffamation et l'accuse de «pisser sur les tombes de nos valeureux soldats».

L'aventure centrafricaine a été mal préparée et mal pensée, explique Alfredo Tengari de l'Institut sud-africain des relations internationales, et elle risque de coûter cher au président Zuma. Certes, elle entre dans la ligne politique édictée dès l'arrivée de l'ANC au pouvoir, et surtout sous la présidence de Thabo Mbeki: «Des solutions africaines aux problèmes africains», avec une Afrique du Sud très active dans la résolution des crises. D'ailleurs, Pretoria s'est impliquée dans de nombreuses situations sur le continent, du Soudan à la République démocratique du Congo en passant par le Burundi. Mais l'opinion publique ne suit pas: le parti d'opposition Alliance démocratique (DA), par exemple, estime que l'armée sud-africaine devrait se concentrer sur la protection de ses frontières ou, au plus, des interventions dans sa sous-région, l'Afrique australe.

Gendarme de l'Afrique?
Cette position tranche avec celle du reste du continent, explique Siphamandla Zondi, directeur
de l'Institut pour un dialogue mondial de Pretoria. L'aventure sud-africaine en RCA «pourrait être vue comme de la bravoure, comme l'Afrique du Sud remplissant son rôle, parce qu'il y avait beaucoup d'inquiétudes sur ce qui était perçu comme un repli sur soi après l'élection de Jacob Zuma», insiste-t-il.

Des soldats sud africains au Burundi(2005)
Sur le continent, l'Afrique du Sud est un géant: son PIB est, de beaucoup, le plus important, près de deux fois supérieur à celui du Nigeria, lointain second. Son armée aussi est sans commune mesure avec celle de ses voisins. D'ailleurs, la prouesse des soldats sud-africains en Centrafrique, «des lions qui se sont battus férocement», comme l'a évoqué Jacob Zuma, a été reconnue: leur petit bataillon de 300 hommes a tenu en échec pendant une longue bataille de 13 heures des forces lourdement équipées, comptant de 2 000 à 3 000 soldats. Les 13 morts sud-africains comptent peu face aux pertes du camp adverse, estimées à 500 hommes par le gouvernement sud-africain.

Mais Pretoria peut-il pour autant - et doit-il - jouer le rôle de gendarme de l'Afrique? «L'Afrique du Sud a assumé son rôle de leader récemment, se posant en voix de l'Afrique auprès du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), et en faisant une campagne vigoureuse pour faire élire Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de l'Union africaine. Mais elle a encore besoin de mieux définir sa politique d'intervention» pour ne pas se retrouver dans des impasses comme en République centrafricaine, explique l'analyste Check Achu de l'Africa Institute.

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