Les professionnels de l’information du Burundi sont toujours autant en colère contre le nouveau projet de loi sur la presse; selon eux, celui-ci n’innove qu’en ajoutant de fortes amendes pour diverses infractions. Le projet de loi risque même de contraindre certains médias à fermer leurs portes. Le président de l’Union burundaise des journalistes (UBJ), Alexandre Niyungeko est particulièrement pessimiste. Le sénateur Sylvestre Ntibantunganya, ancien président et ex-journaliste, n’y voit pour sa part pas de matière à s’alarmer.
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Alexandre Niyungeko
Président de l'UBJ
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Au cours d’une émission-débat organisée dimanche par une radio locale à Bujumbura, M. Niyungeko s’en est pris au contenu de ce projet qui est, selon lui, contradictoire avec l’exposé des motifs. « Il y a certaines dispositions qui vont contraindre certains médias à fermer leurs portes», a-t-il dit.
Les amendes signalées à l’article 57, par exemple, vont jusqu’à huit millions de francs burundais: « … est passible d’une amende transactionnelle de trois à huit millions de francs tout organe de presse et de communication qui aura publié ou diffusé, des informations contenant les délits prévus aux articles 12 et 14. »
L’article 12 du projet de loi ne contient des nouveautés qu’à son alinéa 7, qui traite de la présomption d’innocence concernant les informations que « le journaliste est tenu à s’abstenir de publier dans un journal ou de diffuser dans une émission audiovisuelle ou dans tout autre organe de presse».
En ce qui concerne l’article 14 du nouveau projet de loi, le gouvernement apporte de nombreuses modifications, en affirmant que « le droit de diffuser des informations ou de publier des documents ne peut être invoqué si ceux-ci sont en rapport avec le secret de la défense, de la sûreté de l’État et de la sécurité publique; le secret de la vie privée; le secret de l’enquête judiciaire au stade pré-juridictionnel; des outrages à l’encontre du chef de l’État; des communiqués appelant à la révolte ou à la désobéissance civile; des écrits diffamatoires, injurieux ou mensongers; des documents concernant les opérations militaires, l’activité diplomatique, la recherche scientifique… ». Bref, l’État prend plusieurs dispositions pour éviter que des informations compromettantes ne se retrouvent dans les médias.
Cet article retient l’attention du président de l’UBJ, qui soutient que des médias en mauvais termes avec le pouvoir seront sanctionnés jusqu’à la fermeture pure et simple. Au dire de M. Niyungeko, il y a ainsi refus pur et simple de la liberté de presse, et des médias pourraient être sanctionnés s’ils ne font, par exemple, que recueillir les commentaires d’une personne participant à un regroupement illégal.
Pour le sénateur Ntibantunganya, toutefois, « il y a la nécessité de la presse et de médias dans un pays qui se veut démocratique. Au niveau du projet de loi dont il est question, nous sommes à une première étape (celle de l’Assemblée nationale, NDLR); pour dire qu’en réalité le processus ne fait que commencer. Quand il y a vote d’une loi, sur la presse ou autre, il faut chaque fois le lobbying qui peut être fait pour le cas d’espèce par les concernés, donc, les journalistes ».
Aux partenaires de l’information et des médias, le sénateur fait un clin d’œil: « La presse est nécessaire. Et il faut raisonner dans le sens qu’un avantage acquis ne devrait pas se perdre. » Et d’ajouter un commentaire plutôt politique: « Nous sommes dans une période extrêmement délicate pour le pays. Des erreurs, des peurs, des extravagances, peuvent faire reculer le Burundi. Quand il faut voter des projets de loi de ce genre, il y a le souci d’équilibre qui doit être tenu en considération. » En ce qui concerne le souci des médias qui ont peur de fermer leurs portes suite aux amendes, le sénateur Ntibantunganya estime que le gouvernement devrait plutôt les promouvoir et les protéger.
La ministre responsable des informations et de la commmunication n’a pas encore voulu s’exprimer sur ce sujet, arguant que le projet a déjà dépassé son stade. Un député de l’Assemblée nationale a pour sa part seulement promis que cette institution pourra consulter les journalistes comme tout autre partenaire, avant de passer à l’amendement du projet.

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