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11 juin 2012

L’Accord Cadre demande à la Belgique de reconnaître sa responsabilité dans l’assassinat de Héros de l’Indépendance du Burundi

Burundi Information
La reconnaissance de la responsabilité de la Belgique dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE sera le meilleur Cadeau d’Anniversaire que la Belgique pourra donner au Burundi à la date de la célébration du cinquantenaire du recouvrement de son indépendance, ainsi pourrait-on résumer la lettre adressée à l’Ambassade de la Belgique au Burundi ce 08 juin 2012 par les organisations signataires de l’Accord Cadre Pour la Restauration d’un Etat de Droit au Burundi [à savoir le Parti UPRONA, la JRR et l’ UFB] à l’occasion de la célébration du cinquantenaire du recouvrement de l’ indépendance du Burundi le 1er juillet 2012. 
L’Accord Cadre demande à Sa Majesté le Roi Albert II de la Belgique, à leurs Excellences le Président de la Chambre des Députés et le Premier Ministre du Gouvernement belges la reconnaissance par la Belgique de sa responsabilité dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE, Héros de l’Indépendance du Burundi. Plusieurs citoyens burundais et belges ont déjà exprimé la nécessité de la reconnaissance par la Belgique de sa part dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE. Déjà le 1er juillet 2002, une trentaine de citoyens burundais avait adressé une pétition au Gouvernement belge sans jamais obtenir de réponse. 

Le document adressé aujourd’hui à l’Ambassade de la Belgique au Burundi par l’Accord Cadre rassemble plusieurs indices qui montrent que des cadres de la Tutelle ont participé dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE. L’Accord Cadre réclame une commission d’enquête, rappelant qu’au moment des faits, la Belgique, qui était tutrice du Burundi et qui avait été très souvent sollicitée pour assurer la garde du Prince Louis RWAGASORE, a délaissé le Premier Ministre du Burundi sans la moindre protection.

L’Accord Cadre souligne que reconnaître cette responsabilité, c’est renouer avec le droit et la morale, c’est renforcer les liens que l’histoire a créés entre nos deux peuples, et que nous avons le devoir de perpétuer. A la même occasion, elle demande au Gouvernement du Burundi la désaffectation de l’Hôtel TANGANYIKA et la construction sur ce haut lieu de mémoire pour le Prince Louis RWAGASORE d’un « Musée National PRINCE LOUIS RWAGASORE ».

L’Accord Cadre termine en rappelant que la connaissance de la vérité sur l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE est nécessaire pour l’épanouissement des relations entre les peuples burundais et belges. 

Ci-dessous l’intégralité de cette correspondance d’une valeur inestimable
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Accord Cadre Pour la Restauration d’un Etat de Droit au Burundi
Mob. 79 918 329

Objet
Point de Presse à l’occasion du dépôt à l’Ambassade de la Belgique au Burundi de la lettre adressée au Roi Albert II, à la Chambre des Députés et au Gouvernement belges, en vue de la reconnaissance par la Belgique de sa responsabilité dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE, et ce à l’occasion de célébration du cinquantenaire de l’indépendance nationale.

A l’occasion de la célébration du cinquantenaire du recouvrement de l’ indépendance de notre pays le 1er juillet 2012, l’Accord Cadre Pour la Restauration d’un Etat de Droit au Burundi, a senti l’obligation de solliciter les autorités belges et spécialement l’autorité morale que constitue Sa Majesté le Roi Albert II de la Belgique, à leurs Excellences le Président de la Chambre des Députés et le Premier Ministre du Gouvernement belges, en vue de l’obtention de la reconnaissance par la Belgique de sa responsabilité dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE, le héros de l’indépendance du Burundi.
Cette demande fait suite à une pétition adressée au Gouvernement belge, par une trentaine de citoyens burundais le 1er juillet 2002 qui malheureusement est demeurée sans réponse. Elle tire également sa justification dans le souci de plusieurs citoyens burundais et belges qui ont déjà exprimé la nécessité de la reconnaissance par la Belgique de sa part dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE comme cela a été fait pour Patrice Emery Lumumba, ancien premier ministre du Congo.

L’Accord Cadre pour la Restauration d’un Etat de Droit a pu rassembler de multiples indices qui montrent que des cadres de la Tutelle ont participé d’une façon ou d’une autre dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE grâce aux témoignages du Résident Général Jean Paul HARROY dans son livre « Burundi 1955-1962, Souvenirs d’un combattant d’une guerre perdue, et du journaliste belge Guy POPPE dans une interview qu’il a accordée au périodique IWACU depuis la parution de son livre en Flamand qui s’intitule « L’ assassinat de Rwagasore, le Lumumba burundais … », Guy Poppe, journaliste à la VRT ( la radio publique Belge) par le Magazine IWACU, un mensuel burundais, dans son numéro 2 du mois de décembre 2011 (pages 14-16):

1. Dans son livre « Burundi 1955-1962, Souvenirs d’un combattant d’une guerre perdue, (Ed. Hayez /Bruxelles 646 pages) », Jean Paul HARROY, dernier Résident Général du Rwanda - Urundi reconnaît avoir combattu sans état d’âme le Prince Louis RWAGASORE:

« Déjà rien que pour pouvoir nous-mêmes, comme nous l’avons fait, démontrer, entre octobre 1960 et mai 1961, qu’avec l’Uprona mise hors circuit officiel, il était possible de doter l’Urundi d’une organisation politique et administrative nouvelle vraiment remarquable, nous avons bien fait de mettre Rwagasore en résidence surveillée avant les élections communales. Mais nous avons eu surtout raison de relever son défi et de le combattre à visage découvert, avec toute notre force qui restait énorme(c’est l’auteur qui souligne), car rien à ce moment ne nous permettait de prévoir que nous allions en peu de mois être empêchés par l’ONU de continuer en si bonne voie …Pour tout le monde au Burundi, il était de plus en plus clair que la situation se résumait à une seule grande réalité : deux adversaires s’étaient manifestés face-à-face, la Tutelle et Rwagasore…le Ministre, à qui j’en avais parlé, m’avais laissé les mains libres, m’avait plutôt recommandé la fermeté : je n’avais rien à craindre de ce côté » (pp.456-457).

Abordant la question de la responsabilité dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE, le Résident Général du Ruanda - Urundi s’interroge avant de passer aux aveux:

« Et voici maintenant l’un des passages les plus délicats de ce livre : jusqu’à quel point certains agents de la Tutelle peut - être en association avec quelques non - fonctionnaires, ont-ils contribué par leurs déclarations, leurs promesses voire leurs actions, à ce que soit commis le meurtre? Des agents belges ont-ils (alors) accueilli favorablement, approuvé à haute voix, sinon pris spontanément à leur compte l’énoncé de ce raisonnement? Ont-ils même affirmé à l’un ou l’autre Africain que la concrétisation du dernier maillon de cette argumentation « La Tutelle fermera les yeux… » était du domaine du probable, voire du certain? Le nier me paraît déraisonnable » (op. cit. p 591).

Tout en reconnaissant qu’il y a des belges qui par leurs déclarations, leurs promesses et leurs actions ont participé à l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE, Jean Paul Harroy tente de se donner bonne conscience:

« Dans le cadre de la présente étude, il ne nous paraît pas utile de faire le procès des fonctionnaires belges qui ont pris des responsabilités, au moins morale dans le drame » (op. cit. p. 592). « Ils ne comparaissent pas aux cotés des hommes auxquels ils auraient donné de mauvais conseils. Le Parquet belge ne les a pas poursuivis. Le Parquet murundi n’ a pas jugé nécessaire ou opportun de les citer et les juger par contumace… Il est significatif que devant le tribunal correctionnel d’Usumbura, ni les accusés, ni leurs défenseurs ne feront la moindre allusion aux mauvais conseils et aux assurances reçues de certains administratifs belges ( op. cit. p. 593).

2. A la parution du livre intitulé: « L’ assassinat de Rwagasore, le Lumumba burundais … », Guy Poppe, journaliste à la VRT ( la radio publique Belge) répond à une interview lui accordée par le Magazine IWACU, un mensuel burundais, dans son numéro 2 du mois de décembre 2011 (pages 14-16):

Q. Comment le prince était perçu par l’administration coloniale ?

« Les archives reflètent la vision belge sur le prince. Rwagasore n’ a jamais été bien vu par la tutelle, en tant que membre d’une monarchie agissant parfois d’une façon dérangeante, en tant que preneur d’initiatives économiques incontrôlables, et en tant que politicien proclamant des idées peu appréciées par les autorités. La tutelle n’était pas entrée dans la logique de l’indépendance qui dominait cette époque et se méfiait donc de ceux, comme Rwagasore, qui défendaient cette idée-là, se comportant comme des nationalistes et qui sortaient du carcan dans lequel la tutelle voulait bien enfermer les politiciens locaux ».

Q. Quels ont été les motifs pour éliminer Rwagasore ?

« Il faut bien faire la distinction entre 3 catégories de personnes impliquées dans l’assassinat. On a d’abord l’assassin lui-même le Grec Jean Kageorgis. Il y a ensuite ses complices qui étaient présents à l’endroit du crime, quand près de la terrasse du Bar Tanganyika Kageorgis a tiré sur le premier ministre. Ceux- ci, ainsi que les comploteurs burundais et grecs qui n’avaient pas accompagné le tireur, forment le deuxième groupe. A un troisième niveau, derrière l’écran, il se peut qu’il y ait eu une implication de certains Belges. Les motifs n’étaient pas les mêmes pour les trois groupes ».

Q. Quelle est la part de l’administration belge?

« Avec cette question on touche à une des grandes lacunes du dossier judiciaire. On y trouve bien sûr des déclarations de certains accusés impliquant des personnalités haut placées de la tutelle, comme par exemple le résident Regnier. On lui y attribue des propos qui, d’un côté pourraient avoir stimulé certains à poser des actes ayant l’élimination de Rwagasore comme objectif et, qui de l’autre côté auraient pu laisser croire à ces personnes que leur acte criminel resterait impuni »

Q. La justice a fouillé cette piste ?

« A l’époque, la justice n’a fait aucune démarche pour éclaircir ce côté sombre du dossier. On s’est contenté de mettre derrière les barreaux celui qui a tiré, Kageorgis, et ceux qui ont commandé l’assassinat et, on doit constater qu’aucun effort n’ a été épargné pour réaliser ce but dans de très brefs délais. Mais les investigations se sont limitées à cela ».

Q. Les enquêteurs ne sont pas allés plus loin ?

« Personne d’autre n’ a été dérangé quoiqu’il aurait pu dire quel ait pu être son rôle. Lorsqu’en appel les propos concernés sont mentionnés, la Cour les désigne comme des boutades et ne les prend en considération que comme des circonstances atténuantes. Là vraiment on a raté la chance pour examiner la responsabilité belge dans l’assassinat ».

Q. Peut-on faire un parallélisme entre l’assassinat de Lumumba et celui de Rwagasore ? «Dans les deux cas, il s’agit de l’assassinat d’un premier ministre élu, peu après sa désignation. Dans le cas de Rwagasore, l’élimination se fait déjà avant l’indépendance ! Aussi bien Lumumba que Rwagasore étaient des politiciens peu appréciés par l’administration belge, qui, elle, avait parié sur d’autres partis que les leurs pour gouverner le pays après l’indépendance. Au Burundi, la tutelle avait même soutenu financièrement et matériellement les adversaires les plus importants du prince. Tous les deux, Lumumba et Rwagasore, s’étaient inscrits dans la vague de mouvements nationalistes et panafricanistes qui était si caractéristique pour l’esprit du temps et que la Belgique en tant que pouvoir colonial ne reconnaissait pas ».

Q. Au moins pour Lumumba, la Belgique a reconnu le crime…

« Oui, la responsabilité belge dans l’assassinat de Lumumba a été constatée par une commission d’enquête de la Chambre des Députés. L’implication belge dans celui de Rwagasore, comme on peut le déduire de l’examen des archives, fait penser à ce parallélisme dont vous parlez dans votre question ».

Dans la même logique que le journaliste belge ; tenant compte de la pétition du 1er juillet 2002 adressée par une trentaine de burundais au Gouvernement belge demandant la désignation d’ une commission parlementaire chargée d’enquêter sur la responsabilité des commanditaires dans l’assassinat du Prince Louis Rwagasore ; étant donné qu’ une opinion burundaise et belge ne cesse de s’exprimer dans le même sens ; l’Accord Cadre pour la Restauration d’un Etat de Droit réitère cette réclamation d’une commission d’enquête, tout en rappelant qu’ au moment des faits, la Belgique qui était tutrice du Burundi, a délaissé le Premier ministre Louis RWAGASORE sans la moindre protection.

3. La responsabilité de la Belgique en sa qualité de tutrice du Burundi.

La notion de tutelle aussi bien en matière civile qu’en droit international confère des droits et des devoirs. Il s’agit d’une charge gratuite, d’une institution de protection qui ne s’exerce que dans l’intérêt du mineur. La Belgique avait l’obligation d’assurer la sécurité du gouvernement issu des élections du 18 Septembre 1961. Elle savait de surcroît que les partis battus aux élections et en particulier le PDC étaient violents :

« Une tentative d’action violente eut lieu peu après les élections dans un fief PDC à Mukenke (fief de Jean Ntidendereza) province de Kirundo territoire Muhinga. Trois personnes furent assassinées, une dizaine de huttes incendiées, deux cents sympathisants Uprona chassés du pays. Les forces de l’ordre interviennent et efficacement…» (Jean Paul Harroy, op.cit. p. 573).

Le 12 octobre 1961, la veille de l’assassinat du Prince Louis Rwagasore, Jean Paul Harroy recevait Jean Ntidendereza :«Le 12 octobre (1961), il vint avec Bigayimpunzi et Nigane me demander si la Tutelle paierait le voyage à New York de quelques pétitionnaires du PDC dont lui, qui s’efforceraient d’obtenir de l’Assemblée l’annulation des élections. Il s’enquit aussi de nos éventuelles intentions de le reclasser, avec quelques –uns de ses amis en Belgique, en assurant des bourses d’études à leurs enfants.Notre conversation sonnait faux. Visiblement, s’il croyait encore à mes manifestations de sympathie et de regrets, il n’attachait aucune valeur à mes promesses d’intervenir en sa faveur à Bruxelles. On se sépara sur cette impression de lourdeur déplaisante. Je rappelle : on était le 12 octobre 1961. Rwagasore allait être assassiné le lendemain… »( op. cit. p. 573).

Jean Paul Harroy, Résident Général du Rwanda – Urundi, venait de constater le comportement violant de Jean Ntidendereza, mais il ne fera rien pour assurer la sécurité du Prince Louis Rwagasore, vainqueur des élections législatives du 18 Septembre 1961 et Premier Ministre du Burundi dans le Gouvernement autonome, mais toujours sous tutelle belge.

Jean Paul Harroy a finalement reconnu qu’avant l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE, il avait été très souvent sollicité pour assurer la garde du Prince Louis RWAGASORE ce qu’il ne fera jamais malgré l’insistance de ses interlocuteurs:

« A l’occasion, des demandes de gardes du corps pour le Mwami, pour ses proches, pour les ministres, le reproche fut déjà plusieurs fois formulé avec hargne que la Tutelle eût dû mieux assurer la sécurité de Rwagasore » (op. cit. p.598).

Conclusion:

L’Accord Cadre pour la Restauration d’un Etat de Droit se joint aux autres citoyens burundais et belges qui ont déjà exprimé la nécessité d’ouvrir une enquête sur la responsabilité de la Tutelle dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE. Il faudra en effet que la vérité sur la responsabilité de la Belgique dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE soit connue et que justice soit faite.

Mais en attendant, nous demandons au Peuple belge, au Roi, au Gouvernement et au Parlement belges, de reconnaître qu’en sa qualité de Tutrice du Burundi, des burundais et du Prince Louis RWAGASORE, au moment de l’assassinat de celui-ci, la Belgique avait le devoir sacré de protéger ses pupilles. Le reconnaître, c’est renouer avec le droit et la morale, c’est renforcer les liens que l’histoire a créés entre nos deux peuples, et que nous avons le devoir de perpétuer.

A la même occasion, l’Accord Cadre pour la Restauration d’un Etat de Droit au Burundi demande au Gouvernement du Burundi la désaffectation de l’Hôtel TANGANYIKA - qui est un haut lieu de mémoire pour le Prince Louis RWAGASORE – et la construction du « Musée National PRINCE LOUIS RWAGASORE », une entreprise à laquelle nous souhaiterions que la Belgique soit conviée.

La connaissance de la vérité sur l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE est en effet nécessaire pour l’épanouissement des relations entre nos deux peuples, et la reconnaissance de la responsabilité de la Belgique dans l’assassinat du Prince Louis RWAGASORE sera certainement le meilleur Cadeau d’Anniversaire que la Belgique pourra donner au Burundi à la date de la célébration du cinquantenaire du recouvrement de son indépendance.
Fait à Bujumbura, le 8.6.2012

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