Pour faire des économies, les fonctionnaires peu nantis du nord du Burundi, sont de plus en plus nombreux à renvoyer leurs domestiques et à s'organiser en famille pour effectuer leurs travaux. Même les hommes s'y mettent laissant peu à peu tomber leurs préjugés.
"Papa, c’est vrai que tu sais faire la cuisine ?", demande Carine, une enfant de six ans à son père qu'elle n’avait jamais vu dans la cuisine.
Celui-ci, fonctionnaire moyen au nord du Burundi, est, en effet, résolu à ne plus engager de domestiques car la vie est devenue très chère.
"La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c’est la demande incessante de mes domestiques d’augmenter leurs salaires…", explique-t-il. Selon lui, "il n'y pas de solution miracle, il faut s’organiser, voilà tout."
Il n'est pas le seul à préférer se passer de domestiques ou à n'employer que quelques heures par jour une fille pour garder les enfants en l'absence de leur mère. Toute la maisonnée se partage alors les tâches jusqu'à présent effectuées par les employés.
Dans une famille de huit enfants en province de Kayanza, un horaire de travail est affiché sur la porte de la cuisine et chacun doit le respecter afin de ne pas perturber l’ordre. Le père de famille occupé par ses affaires se rend disponible les week-ends "pour montrer à ma femme et à mes enfants que je participe à la vie familiale", affirme-t-il."Il n'y a pas de travail dégradant"Depuis toujours, certains travaux sont réservés aux femmes et aux filles : la cuisine, la lessive, la vaisselle, les enfants, etc.
Mais, dans certains foyers, la situation change et des hommes se mettent à ces travaux, à la grande satisfaction des femmes. "Je suis très contente de voir mon mari participer aux travaux domestiques, ce qui sert aussi de bon exemple aux enfants", affirme la femme. "Avant, mes garçons ne comprenaient rien quand je leur disais que leur contribution était nécessaire", renchérit cette mère de six enfants, dont deux garçons. Jeunes ou plus âgés, tous s'y mettent. "Tu vois ma petite sœur, elle n’a que cinq ans. Mais c’est elle qui dessert la table à manger.
Nous qui sommes un peu grands, nous faisons les grands travaux comme la cuisine, la lessive, la propreté de la maison et du jardin", informe Cédric, 12 ans, qui attend avec impatience le retour en vacances de ses grands frères et grandes sœurs pour les aider. Avec l'argent économisé, ses parents achèteront le matériel scolaire. Dans un lycée de la province, de jeunes fonctionnaires se sont organisés de la même manière pour la cuisine et le ménage, se préparant ainsi à la vie conjugale. "Ce que je n’ai pas fait à mes parents, je le fais à mes collègues, je le ferai aussi à ma future famille", témoigne Marc., 25 ans, professeur.
Mais certains hommes restent réticents à mettre la main à la pâte même s'il n'y a plus de domestiques. "Faire les travaux ménagers, c’est perdre son autorité. La femme ne te respectera plus !", estime un fonctionnaire. D'autres se contentent de certaines tâches explique un autre fonctionnaire : "Ils préfèrent, par exemple, faire la propreté plutôt que s’occuper des enfants, ou faire la cuisine. Tout cela, parce que certains hommes ont un complexe de supériorité, et la femme reste surchargée."Les émissions radio prônant l’égalité des genres font peu à peu évoluer les mentalités. "Si tu ne changes pas, tu meurs. Nous devrions comprendre que le travail ennoblit l’homme, qu’il n’a pas de travail dégradant comme certains le disaient dans le temps", estime un homme qui dit ne plus avoir de complexe. Vie meilleureD'autant que toute la famille y gagne.
À Ngozi, une famille ne parvenait pas à payer le lait des enfants. "Les domestiques consommaient beaucoup et je devais en outre les payer environ 35 $ par mois", précise le père content de pouvoir aujourd'hui offrir du lait à ses enfants. D'autres font des projets. "Nous nous sommes entendus moi et ma femme : il y a moyen de réaliser de petits projets avec le cumul des salaires que nous payions aux domestiques. Par exemple on peut construire une petite boutique…", constate un fonctionnaire.
Les domestiques qui n'ont plus d'emploi se reconvertissent : ils exercent de petits commerces, élèvent le petit bétail, font le taxi vélo, le taxi moto, apprennent à coudre, etc., "Filles ou garçons, chacun opère son choix par rapport au boulot, à ses capacités, ses moyens et ses goûts", déclare une fille qui était bonne et vend aujourd'hui des tomates.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire