Portraits d'anciens camarades de combat de Manasse Nzobonimpa

iwacu Manassé Nzobonimpa connaît le parti CNDD-FDD depuis ses origines, quand il était mouvement rebelle. Il brosse le portrait de certains camarades de combat, aujourd’hui dans les hautes sphères de l’Etat.  Par Elyse Ngabire & Dieudonné Hakizimana « Pierre Nkurunziza ne pose pas d’acte »Nous avons vécu ensemble depuis 1995, même après les élections de 2005. Les relations se sont détériorées au cours des huit derniers mois quand j'ai commencé à dénoncer les cas de malversations. Il tient des discours rassurants comme celui de la tolérance zéro pour montrer qu'il aime la population  mais ne pose pas d'actes concrets. Toutefois, certaines choses m’échappent : plus de dix milliards de dollars ont été détournés et il n'a rien dit. Sur le dossier des armes défectueuses, achetées par l'ancien ministre de Défense, il n'a pas réagi alors que c'est une haute trahison. A partir de ces quelques éléments seulement, tout Burundais peut le qualifier. « Alain Guillaume Bunyoni, il aimait le pays »Quand il a décidé de nous rejoindre dans la rébellion, Alain Guillaume Bunyoni était encore célibataire. C'est quelqu'un qui prodiguait des conseils et aimait le pays. Il nous encourageait souvent. Nous faisions recours à lui quand un problème  surgissait. Malheureusement, j'ai appris par après qu'il aurait eu de profits illicites; d'où sa richesse. Mais je n'ai pas mené des enquêtes sur lui. Si cela est vrai,  c'est aussi un échec pour le pays. « Jérémie Ngendakumana, ni idéologie, ni qualité »C'est le cerveau de tous les maux qui pèsent sur le Burundi. Il est de mèche avec un certain Gisiga et Ezéchiel Nibigira pour faire transiter gratuitement des marchandises à la douane. Le parti CNDD-FDD ne peut pas surmonter toutes ses difficultés parce que son responsable est caractérisé par la corruption. Il n'a jamais été sur le champ de bataille pour constater les dégâts car il était d'abord en République Démocratique du Congo puis en Tanzanie. Jérémie Ngendakumana a arrêté ses fonctions d'ambassadeur au Kenya parce le groupe de bandits voulaient le placer à la tête du parti pour favoriser la corruption dans le pays. Je ne trouve en lui ni idéologie ni qualité. « Gervais Rufyikiri n’a pas détourné la richesse du pays »Il a évolué en Europe où il a approfondi ses études d'agronomie. Gervais Rufyikiri n'a pas détourné la richesse du pays car j'ai été chez lui et nous étions ensemble dans le conseil des sages. Je me suis rendu compte qu'il n'avait pas de maisons ou de véhicules extraordinaires. Il est parmi ceux qui dénoncent la corruption, mais je lui demande de doubler d'efforts car il est le 2ème vice-président. Puisqu'il a pu limoger l'administrateur de Ngozi, qu'il fasse la même chose dans d'autres domaines. « Onésime Nduwimana, un homme sans parole »C'est un homme sans parole, un courtisan. Il fait tout ce qu'on lui demande, sans faire de discernement pour faire plaisir à ses supérieurs. Il n'a pas détourné les biens du pays parce qu'il vit simplement. C'est un homme qui ne peut pas sauver le pays parce qu'il n’est pas un homme de parole. « Adolphe Nshimirimana,  vrai combattant mais il aime l’argent »Je le connais depuis 1996. Il nous a rejoints dans la Kibira lors de la guerre de Kamenge, sous « Savimbi ». C'est un vrai combattant, qui a su protéger la population de cette localité. C'est quelqu'un qui aime le pays.  Peut-être qu'il aurait vu comment les autres s'enrichissaient et aurait adopté lui aussi le même principe. Aucun dossier de malversation ne pèse sur lui à ma connaissance. Je sais seulement qu'il aime de l'argent.  « Mohamed Rukara, ses conseils restent douteux »J'ai connu l'honorable Rukara quand nous avions arrêté les hostilités parce qu'il n'avait pas été sur le champ de bataille. Il était souvent en Tanzanie ou dans les pays arabes. Mohamed Rukara est parmi les conseillers du Président de la République même si ses conseils restent douteux parce que la situation n’a cessé de s’empirer. C'est un Burundais qui ne maîtrise pas le kirundi. Je me demande par ailleurs comment il va résoudre différents problèmes des Burundais au moment où nous savons que plus de 80% s'expriment en langue nationale. Comme il se doit, Iwacu a contacté les différentes personnalités citées par Manassé Nzobonimpa. Toutes, à l’exception de M. Jean-Marie Rurimirije qui a envoyé au diable les journalistes, ont répondu spontanément et avec courtoisie aux questions d’Iwacu. Merci à tous ceux qui nous respectent dans notre travail et acceptent le  débat contradictoire.  Adolphe Nshimirimana est un « cultivateur et éleveur »Télésphore Bigirindavyi, porte-parole du Service National des Renseignements (SNR) fait savoir que son patron est malade. Toutefois, il précise qu'Adolphe Nshimirimana ne gère pas le budget du SNR: « Seuls les chefs des départements et du cabinet s'occupent de la gestion. Il ne reçoit que les rapports. » En plus de ses fonctions, Télésphore Bigirindavyi indique qu'Adolphe Nshimirimana est un cultivateur et éleveur. Il précise que son hôpital a été construit en partenariat avec des médecins burundais et étrangers. Quant à sa « Résidence Iwabo w'abantu », le porte-parole du SNR affirme que M.Nshimirimana a contracté un crédit auprès d'une banque pour sa construction. Jean Marie Rurimirije, « allez écrire tout ce que vous voulez !»Contacté par Iwacu, Jean Marie Rurimirije, chargé de mission à la présidence de la République, a répondu que rien ne prouve que les journalistes de l'hebdomadaire ont réellement rencontré Manassé. « C’est une manœuvre que vous faites (les journalistes d’Iwacu) puisque je ne l'ai pas encore entendu m’accuser à la radio où à la télévision ». Avant de renvoyer les journalistes en disant: « Ecrivez tout ce que vous voulez, c'est votre affaire.» Gabriel Ntisezerana attend pour réagirLes services de protocole ont indiqué que le président du sénat ne peut pas s'exprimer parce qu'il n'a pas encore lu ou entendu les charges que Manassé porte contre lui. Mohamed Rukara réfute toutL’Ombudsman est catégorique : « Je ne me suis pas rendu en Ouganda avec Manassé Nzobonimpa. »  Jérémie Ngendakumana « Je ne me suis pas improvisé militaire »Le député Jérémie Ngendakumana, président du CNDD-FDD, balaie d’un revers de la main les accusations de M. Manassé : « Il confond finalement tout ! » Mon rôle, déclare-t-il, est de m’assurer que le programme du parti est bien suivi par le gouvernement et que notre idéologie est ancrée dans les esprits des Bagumyabanga.  M. Ngendakumana ajoute qu'il lui arrive de conseiller le Président de la République. Toutefois, il souligne qu’il ne s’ingère pas dans le fonctionnement de l’Etat : « Je ne gère ni les caisses de l’Etat, ni les services étatiques pour recruter ou révoquer des fonctionnaires. Je ne suis qu’un simple représentant du peuple ! Quel est donc le degré de ma participation dans la corruption et malversation que M. Manassé évoque ? Il m’a accusé d’avoir détourné les 15 milliards sans preuve. Que me veut-il encore ? » « Après tout, je n’ai pas à me justifier devant lui »Selon Jérémie Ngendakumana, qui veut noyer son chien l’accuse de la rage : « Comment Manassé peut-il déclarer que je n’ai pas été au maquis ? J’ai le grade de colonel. Est-ce que je ne l’ai pas mérité ? » En 2004, indique-t-il, lors de la séparation des postes, l’Etat major du mouvement CNDD-FDD, lui a demandé de se consacrer beaucoup plus aux questions politiques que militaires. Le président du parti présidentiel rappelle qu’il a avancé de grade passant successivement de sergent, lieutenant, major, à colonel dans les unités dont les chefs étaient Ndanga, Kabisa et Guillaume Bunyoni (l’actuel ministre de la Sécurité publique). Tout simplement, Jérémie Ngendakumana reconnaît n’avoir pas fait partie de l’unité de Manassé. Et de préciser que certaines choses échappent à Manassé : « Après tout, je n’ai pas à me justifier devant lui que j’ai été ou pas militaire. »   Alexis Barekebavuge : « Manassé est mu par la jalousie »Alexis Barekebavuge, député de la circonscription de Cibitoke se dit déçu et étonné par les déclarations de Manassé Nzobonimpa qu’il considère comme son vieil ami : « Comment ose-t-il proférer des mensonges pareils ? » M. Barekebavuge fait savoir qu’il est député depuis mon retour du maquis en 2004. Un employé, ajoute-t-il, ne vit pas de son salaire seulement : « J’ai investi dans plusieurs secteurs comme l’agriculture, le commerce, etc. J’essaie de vivre tant bien que mal.» Et d’ajouter qu’il a aussi contracté des crédits auprès des banques. Ezéchiel Nibigira : « Je suis en mesure de justifier tout ce que j’ai »Ce président de la ligue des jeunes « Imbonerakure » et ex-directeur des douanes affirme que Manassé veut se venger: « C'est parce que notre ligue a sorti un communiqué rejetant ses déclarations. » Le député Ezéchiel Nibigira dit être en mesure de justifier tout ce qu'il possède. Il demande à Manassé de travailler comme lui au lieu d'être emporté par la colère. Les autres personnalités mises en causeLe journal Iwacu a contacté Clotilde Nizigama, ministre des Finances, Saïdi Kibeya, ministre des Travaux Publics, Alain Guillaume Bunyoni, ministre de la Sécurité, Germain Niyoyankana, ancien ministre de la Défense, Onésime Nduwimana, porte-parole du CNDD-FDD, sans succès. Idem pour le Président Nkurunziza dont le porte-parole semble avoir opté pour le silence. C.R.@2011