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Depuis 2008, les albinos burundais vivent dans la peur. Victimes d’une véritable chasse à l’homme, ils sont aujourd’hui obligés de se cacher pour survivre aux actes de violence, des fois mortels, de leurs bourreaux. Ils trouvent refuge aux bureaux communaux ou aux chefs lieux des provinces. C’est le cas de Jérémie et de ses amis. Réfugiés à la commune de Bweru, dans l’est du Burundi, ils se sentent plus en sécurité mais leurs conditions de vie laissent à désirer.
Albinos gardés par la police dans un refuge |
''L’année dernière, des malfaiteurs ont attaqué mon frère chez lui. Ils l’ont découpé en morceaux et ont pris certains de ses membres avec eux''. Les mots de Jérémie sont aussi tranchants que les machettes de ceux qui ont tué son frère aîné dans la nuit du 28 septembre 2009. Son résumé macabre n’est pourtant pas un cas isolé. Plusieurs assassinats d’albinos ont été enregistrés depuis au Burundi.
''Nous avons pris la décision de nous enfuir à Ruyigi pour notre sécurité'', raconte le jeune homme de 28 ans. Avec Jérémie, sept autres humains à la peau blanche et aux yeux rouges décident alors de quitter leurs foyers et leurs familles pour se réfugier à la commune de Bweru, à 165 km de la capitale du Burundi, Bujumbura. Craignant pour leur vie, ces albinos ont préféré s’installer là où ils se sentent en sécurité.
La maison dans laquelle Jérémie et ses amis se sont installés est une véritable ruine. Sans portes ni fenêtres, elle donne l’impression d’une maison abandonnée. Hommes, femmes et enfants dorment à même le sol. Les matelas sont laissés aux plus petits ; mais ces paillasses sont tellement usées que la différence ne se ressent plus. Le toit est troué à quelques endroits et lorsqu’il pleut, l’eau tombe dans la maison. Ses habitants manquent de toute surveillance.
« L’administrateur ne nous a même pas donné de policiers et pourtant nous dormons dans une maison ouverte », s’insurge Jocelyne une jeune femme albinos de 27ans.
Un phénomène lié à la sorcellerie
La chasse aux albinos est un phénomène relativement récent au Burundi, lié à la superstition et la sorcellerie. Ceux qui tuent les albinos vont ensuite vendre leurs membres coupés. Selon Kazungu Kassim, président de l’association « Albinos sans frontières », ce phénomène serait venu de la Tanzanie en rapport avec les croyances obscures.
''Ça a commencé par la sorcellerie tanzanienne. Les albinos sont qualifiés d’enfants du soleil parce qu’ils ont peur du soleil. Les gens croient que si on prend le corps et le sang de celui qui a peur du soleil, mélangés avec des médicaments traditionnels, on peut avoir beaucoup de poissons. C’est une des idées que la sorcellerie a avancées pour justifier les massacres des enfants albinos''.
Tous les cas d’assassinat ont été enregistrés dans les provinces frontalières avec la Tanzanie, là où c’est facile de franchir la frontière pour aller vendre les membres des victimes.
''Tous les albinos ont fui leurs foyers. Il ne reste personne sur les collines frontalières parce qu’il est très facile de tuer un albinos et d’emmener son corps en Tanzanie'', explique Jérémie.
Nécessité d’une protection
Aujourd’hui, les albinos de Bweru ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour retourner chez eux et préfèrent encore rester à la commune.
Ils demandent que le gouvernement prenne la question au sérieux pour qu'ils puissent réintégrer un jour leur foyer. Selon Pierre-Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des prisonniers (APRODH), le gouvernement devrait mettre en place des mesures de protection et de dissuasion des malfaiteurs.
''A Ruyigi, on a appréhendé des gens : on les a jugés, on les a condamnés. Mais nous considérons que ces condamnations ne suffisent pas, puisque ces actes de barbaries continuent. Il faut que le gouvernement mette en place des mesures de prévention, des mesures de protection des albinos''.
Kazungu Kassim, de son côté, va plus loin. Il préconise le rétablissement de la peine de mort pour toute personne qui serait reconnue coupable de meurtre d’un albinos. ''Je pense que celui qu’on va attraper prochainement, il faudra l’exécuter pour dissuader ces gens-là de continuer à tuer les albinos''.
Le président de l’association Albinos sans frontières voit même dans l’application de la peine de mort en Tanzanie une des raisons de l’accroissement des assassinats d’albinos sur le terrain burundais.
« Vous voyez, en Tanzanie, le nombre de meurtres a déjà diminué grâce à cette mesure drastique. Alors les gens viennent au Burundi pour venir massacrer les albinos », précise Kazungu. Mais que la loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent », aille mettre une fin à la chasse d’homme macabre au Burundi – rien n’est moins sûr, comme montre le cas de la Tanzanie. Le problème s’est tout simplement délocalisé de façon dramatique.
Le Burundi compte à peu près 800 albinos sur tout le territoire. Depuis 2008, dix-sept d’entre eux ont déjà été assassinés. Tant que le gouvernement burundais n’aura pas mis fin au phénomène de chasse aux albinos, ces derniers vivront au quotidien une peur bleue.
''Nous avons honte de cette vie. Peut-être que la seule solution qui nous reste est le suicide'', désespère Jocelyne. Colère et désarroi résonnent dans sa voix.
Admin@2010
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