Au nord du Burundi, la traque désormais effective d'une bière interdite commence à porter ses fruits. Bon marché et consommée à l'excès, elle était à l'origine de nombreux désordres. Petit à petit, familles et quartiers retrouvent une certaine tranquillité.
Depuis environ deux mois, à Ngozi au nord du Burundi, une bière (ikibarube) à base de divers produits locaux non identifiés est interdite. Elle ne se vend plus et les anciennes maisons où on en buvait sont fermées. La police affirme avoir réussi à réduire sa consommation de 80 %. À Rukeco, sur la route Ngozi-Bujumbura, les gens redeviennent calmes et parviennent désormais à éviter les véhicules qui passent, ce qui n’était pas le cas quand la bière s’y vendait encore...
Vendeurs et consommateurs de ce breuvage sont désormais sanctionnés. "Être emprisonné et payer une amende pour cela ? Mieux vaut le laisser !", déclare Benoît. Rencontré après avoir passé deux semaines en prison pour avoir enfreint l'interdiction, il regrette d'avoir maltraité sa femme et ses enfants sous l'emprise de l'alcool.
Tolérance zéro
Cela faisait plus de dix ans que gouvernement traquait, sans succès, cette bière. Quatre fois moins chère (0,30 $ le litre contre 1 $ les 72 cl les autres bières), elle comptait de plus en plus d'adeptes qui en achetaient plusieurs litres, buvaient à l'excès et causaient de nombreux désordres. Sa consommation était à l’origine de plusieurs maux : oisiveté, insécurité, maladies comme le diabète... Quant aux fabricants, ils pouvaient en produire d'énormes quantités en peu de temps, car 12 heures de fermentation suffisent.
Des policiers et des dirigeants de base auraient pendant longtemps favorisé ce trafic. Selon un ancien vendeur, lui et ses amis réunissaient chaque semaine une somme d'argent destinée aux policiers qui fermaient l’œil sur leur business. Avec la tolérance zéro envers la corruption déclarée par le président Pierre Nkurunziza lors de son investiture le 26 août 2010, les dirigeants de base font plus attention par crainte de perdre leurs postes. De plus, leurs compétences vont être évaluées tous les six mois. Pour ce qui est des policiers, selon Mélance, un sous-officier de la protection civile, celui qui est attrapé en flagrant délit de corruption doit remettre son uniforme immédiatement et rentrer à la maison...
L'interdiction de la consommation de cette bière simplifie aussi la tâche des dirigeants de base, qui, auparavant, étaient régulièrement réveillés en pleine nuit par des bagarres entre gens enivrés.
Familles et quartiers respirent mieux
"Maintenant, c'est la paix puisque cette maudite bière n'est plus là. J’espère bien que je vais désormais pouvoir vivre à nouveau avec mon mari", déclare Marthe qui avait quitté son époux, car il passait trop de temps dans les cabarets. Certains hommes commençaient à boire dès cinq heures du matin et dépensaient l’argent du foyer en boisson. Pour Valérie, qui, depuis plus de deux ans, ne pouvait compter sur l'aide de son mari dans les travaux champêtres, la traque de la bière arrive à point nommé, au moment de la saison culturale. Elle espère aussi qu'il cessera de vendre tout ce qui lui tombe sous la main, notamment les récoltes destinées de la famille, pour acheter à boire.
Les quartiers, du coup, redeviennent plus propres. Les ivrognes ne se soulagent plus n'importe où. Certaines rues dégageaient une odeur insupportable. "Désormais, on respire mieux", se félicite Charles, un intellectuel du quartier Kigarama à Ngozi.
Mais, l'attitude nouvelle des autorités n'est pas du goût de tous. "Ce maudit chef de colline veut que nous mourions de soif !", s'insurge un ancien buveur à la vue de son dirigeant. L’administration locale va jusqu’à poursuivre dans les forêts et les cimetières ceux qui persistent à boire. Des policiers se montrent parfois violents. La voisine d’un vendeur de bière a dernièrement été battue par des agents de police qui l'avaient prise à tort pour la mère du vendeur qu’ils cherchaient.
Admin@2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire