HUMAN RIGHTS WATCH
Les journalistes, la société civile et les partis de l’opposition sont victimes de harcèlement et de restrictions
(Nairobi, le 23 novembre 2010) - À la suite des élections locales et nationales agitées qui se sont déroulées au Burundi de mai à septembre 2010, la société civile, les médias et les partis d'opposition sont soumis à une répression accrue, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.
Le rapport de 75 pages, intitulé « Des portes qui se ferment ? Réduction de l'espace démocratique au Burundi », décrit les exactions commises, notamment des actes de torture, des arrestations arbitraires, l'interdiction d'activités de l'opposition, ainsi que le harcèlement des associations de la société civile. Human Rights Watch a appelé le gouvernement à mettre fin à ces exactions et à renforcer les mécanismes institutionnels visant à promouvoir l'obligation, pour les agents du gouvernement et les forces de sécurité, de rendre compte de leurs actes.
« Les élections étant terminées, l'occasion idéale se voit
offerte au gouvernement burundais de tendre la main aux personnes
exprimant leur désaccord et d'œuvrer avec eux pour bâtir un État
davantage tourné vers l'intégration de tous et le respect des droits
humains », a souligné Rona Peligal, directrice de la division Afrique de Human Rights Watch. « Or
nous assistons plutôt à l'arrestation de journalistes et de membres des
partis de l'opposition, ainsi qu'au harcèlement de la société civile,
ce qui anéantit l'espoir de voir le Burundi prendre un nouveau départ. »
Le rapport est basé sur plus de 100 entretiens avec des journalistes,
des militants de la société civile, des membres des partis de
l'opposition, des responsables gouvernementaux, des diplomates et des
observateurs électoraux. Il décrit les efforts croissants déployés par
les autorités burundaises pour réduire au silence les voix dissidentes
avant, pendant et depuis les élections.
Fouille perquisition au siège
du parti MSD
|
Le président du parti MSD ;
A.Sinduhije en exil
|
Le président du FNL A.Rwasa, en exil |
Interdiction de quitter le territoire burundais |
Le journaliste J.C.Kavumbagu
en prison
|
Ce climat d'intimidation a persisté après les élections. Le 20
octobre, le porte-parole de la police, Pierre Channel Ntarabaganyi, a
menacé d'arrêter Pierre Claver Mbonimpa, président de l'Association pour
la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH),
après que ce dernier eut accusé la police d'avoir commis des exécutions
extrajudiciaires.
Faustin Ndikumana,de la RPA |
L'espace dont disposent les partis de l'opposition pour mener leurs
activités politiques demeure restreint. Dans la foulée des élections,
certains membres des FNL et d'autres partis de l'opposition se sont
repliés dans les régions forestières qui servaient de bases rebelles
lors de la guerre civile qu'a connue le Burundi de 1993 à 2009, ainsi
que de l'autre côté de la frontière, en République démocratique du
Congo. Depuis le mois de septembre, ils ont mené des attaques
sporadiques contre des cibles policières et militaires et contre des
civils associés au CNDD-FDD. En guise de réponse, les autorités ont
arrêté plusieurs dizaines de membres des partis de l'opposition du chef
de « participation à des groupes armés », dans certains cas sans avancer
aucune accusation spécifique de délit.
Un membre de l'UPD assassiné |
« La résurgence de groupes armés qui commettent des exactions,
entre autres des meurtres de civils, représente un réel défi pour le
gouvernement sur le plan sécuritaire», a relevé Rona Peligal. « Néanmoins la menace posée par les groupes armés ne justifie ni les exécutions extrajudiciaires ni les arrestations arbitraires. »
Un membre du FNL blessé par la Police |
Les autorités judiciaires ont promis d'ouvrir une enquête au sujet
d'accusations de torture et d'exécutions extrajudiciaires. Le
gouvernement a également mis en place un ombudsman chargé de traiter les
plaintes publiques déposées à l'encontre d'agents de l'État. Mais la
personne nommée à ce poste est un haut fonctionnaire du parti au
pouvoir, ce qui soulève des inquiétudes quant à son aptitude à rester
neutre dans la gestion des plaintes présentant un caractère politique.
Les gouvernements étrangers bailleurs de fonds ont encouragé le
Burundi à respecter les droits des journalistes et des militants de la
société civile, a indiqué Human Rights Watch. D'autres pays de la région
ont incité le Burundi à honorer ses promesses et à instaurer des
mécanismes institutionnels plus forts pour protéger les droits humains.
Toutefois, frustrés par la décision de l'opposition de boycotter des
élections dans lesquelles la communauté internationale avait énormément
investi, bon nombre de ces pays n'ont pas insisté outre mesure pour que
le gouvernement respecte les droits des partis de l'opposition.
« Si le Burundi veut que le monde voit en lui une démocratie, ses
dirigeants doivent résister à la tentation de gouverner comme s'il
s'agissait d'un État de facto à parti unique, et doivent plutôt garantir
un espace de liberté à l'opposition politique et aux autres voix
dissidentes », a souligné Rona Peligal. « Les bailleurs de
fonds internationaux et les pays voisins du Burundi devraient faire
clairement comprendre au parti au pouvoir qu'il doit travailler en
collaboration avec les voix critiques au lieu de les réduire au silence. »
«
Les élections étant terminées, l'occasion idéale se voit offerte au
gouvernement burundais de tendre la main aux personnes exprimant leur
désaccord et d'œuvrer avec eux pour bâtir un État davantage tourné vers
l'intégration de tous et le respect des droits humains. Or nous
assistons plutôt à l'arrestation de journalistes et de membres des
partis de l'opposition, ainsi qu'au harcèlement de la société civile, ce
qui anéantit l'espoir de voir le Burundi prendre un nouveau départ.
Rona Peligal, directrice de la division Afrique Admin@2010
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