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21 mai 2010

Human Rights Watch:Les violences politiques restent impunies au Burundi

Le 21 mai, le Burundi entamera une période électorale de quatre mois, durant laquelle les premières élections auront lieu dans le pays depuis la fin en 2009 d’une guerre civile qui a duré près de 16 ans. Cinq élections distinctes — communales, présidentielles, parlementaires, sénatoriales et collinaires (de village)— sont programmées d’ici le 7 septembre, tandis que le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) — parti au gouvernement— cherche à se maintenir au pouvoir.

L’histoire récente du Burundi a été troublée par la violence politique. Cette situation menace de se poursuivre, voire de s’aggraver, si les autorités gouvernementales, politiques, sécuritaires et judiciaires —qui ont toutes échoué à répondre efficacement aux incidents violents aux cours de l’année dernière— ne prennent pas des mesures urgentes pour empêcher de tels crimes et poursuivre ceux qui semblent les avoir commis.

Depuis septembre 2009, Human Rights Watch a identifié des actes de violence déclenchés par les partisans de plusieurs partis politiques, le plus souvent par des membres de leurs groupes de jeunes, qui comprennent un grand nombre d’ex-combattants de la guerre civile qui s’est déroulée dans le pays. Ils sont souvent incités —parfois avec de l’argent des partis— à intimider et agresser des rivaux politiques en recourant à des menaces verbales, à des actes de vandalisme et à des agressions physiques. Pour cela, ils utilisent comme armes des bâtons, des pierres, des houes, des machettes et des grenades. Des slogans incendiaires et la circulation d’armes dans tout le pays alimentent ces exactions, qui entraînent fréquemment des blessures suffisamment graves pour nécessiter des soins médicaux.

Les violences ont été particulièrement graves au Kirundo, une province du nord du Burundi, et dans la commune de Kinama faisant partie de la capitale, Bujumbura, comme le décrivent deux études de cas dans la section II, ci-après. La commune de Kanyosha, également à Bujumbura, a aussi été récemment touchée par des violences partisanes.

Human Rights Watch et des observateurs électoraux locaux ont constaté que les membres du CNDD-FDD —y compris des fonctionnaires de l’Etat— sont responsables de la majorité des exactions, qui comprennent des agressions individuelles, des arrestations arbitraires, et ce qui semble être un meurtre à motivation politique. Des membres des FNL ont également commis des actes de violence ; les deux partis prétendent souvent que leurs membres ont été « provoqués ». Des analystes prévoient qu’aucun parti d’opposition ne l’emportera sur le CNDD-FDD. Mais ce parti est apparu de plus en plus nerveux à l’idée de perdre sa majorité absolue du fait de scores importants obtenus par au moins quatre ou cinq groupes d’opposition, ou de la possibilité d’une coalition de dernière minute de plusieurs d’entre eux.

Du fait de ces troubles, nombre de Burundais expriment leurs craintes devant les élections imminentes. Leur préoccupation est aggravée par une tendance à la partialité et à l’inaction de la part des autorités burundaises. Plusieurs responsables, dont le Président Pierre Nkurunziza et des ministres du gouvernement, ont fait des déclarations publiques désapprouvant les violences et promettant d’exiger des comptes à leurs auteurs. Toutefois, en pratique, les fonctionnaires gouvernementaux, administratifs et de la sécurité ont minimisé les violences, sur lesquelles soit ils se sont abstenus d’enquêter, soit ils ont enquêté de manière superficielle.

Le CNDD-FDD, en particulier, bénéficie d’un favoritisme manifeste de la part de certains fonctionnaires et membres des forces de sécurité. Par exemple, personne n’a fait l’objet de poursuites pour une attaque menée en janvier et dirigée par un membre du parti au pouvoir, au cours de laquelle environ 200 jeunes ont agressé des membres de l’opposition à Kirundo ; aucun militant du parti n’a été poursuivi non plus pour une attaque contre un véhicule de journalistes à Kinama où une grenade a été lancée. Quatre mois après l’assassinat en janvier 2010 d’un ex-membre du CNDD-FDD passé dans l’opposition, aucune arrestation n’a eu lieu.

L’absence de prévention ou de répression de la violence au Burundi ne fait qu’accroître les chances qu’elle se poursuive : les acteurs politiques violents, qui croient qu’ils ne seront pas pris ou punis pour leurs crimes, peuvent se sentir encouragés ; les membres de groupes politiques victimes de la violence peuvent chercher à se venger s’ils sentent que la police est partiale et le système judiciaire défaillant ; et la campagne électorale ainsi que les scrutins sont moins susceptibles d’être justes et ouverts.

Les conclusions de ce rapport permettent de mieux comprendre la nature de la violence politique au Burundi, le traitement officiel de tels incidents et ce que vivent les victimes prises dans les affrontements. Elles indiquent des lacunes dans l’approche du gouvernement, de la police et du système judiciaire dans la prévention des confrontations violentes, dans le traitement équitable de tous les partis politiques et dans la sanction des instigateurs et des auteurs du conflit politique.

Human Rights Watch estime que les fonctionnaires de l’État et les dirigeants des partis politiques devraient dénoncer fermement les violences électorales, et appuyer ces déclarations en menant des enquêtes et en engageant des poursuites pour les crimes politiques. La police devrait diligenter des enquêtes approfondies et impartiales sur de tels incidents, et les autorités devraient exiger des comptes à leurs auteurs.

Les observateurs électoraux internationaux devraient non seulement documenter les cas de violence politique, mais aussi contrôler l’accès des victimes à la justice. Les bailleurs de fonds internationaux —principal soutien financier de la police et du système judiciaire du Burundi— devraient exiger que la police et les procureurs fassent preuve de neutralité et de rigueur dans les enquêtes liées aux violences électorales. Les personnes qui commettent des crimes politiques devraient être poursuivies.


Admin@2010

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