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30 décembre 2009

Le commerce des armes de guerre

L'avion qui est impliqué dans le traffic d'armes de guerre au Congo(chez les FDLR)via le Burundi(les Services de Renseignement) ECOVISION • Par Amadou FALL
Les armes sont de la marchandise comme toute autre, à la seule et grande différence avec les produits de consommation courante qu’elles sont des instruments de mort, et non de vie. Cependant, « si vis pacem para bellum » - si tu veux la paix, prépare la guerre - comme on en convenait dans la Rome antique. Sous ce rapport, les Etats de droit, pour dissuader quiconque de porter atteinte à leur intégrité territoriale, ont l’obligation d’équiper leurs armées, dans la mesure de leurs possibilités réelles et le respect équilibré de leurs priorités de développement. Dans ces situations-là, la production, l’exportation ou l’importation d’armes passent par des conventions et normes internationales très strictes, dans le souci que l’armement des nations ne dépasse son objectif préventif pour mener à des guerres massivement destructrices ou fratricides, que les armes qui s’échangent à travers le monde ne tombent entre les mains de tyrans, de dictateurs, de terroristes et autres gens en rupture de ban qui en font les pires usages. Mais, de plus en plus de marchands de la mort passent outre les règles et codes de conduite de rigueur pour faire de tous les points noirs de la planète leur terrain de chasse, profitant des conflits qui les agitent et qu’ils peuvent créer ou attiser, pour la prospérité de leur sinistre commerce. Les trafiquants les plus en vue actuellement sont de pays issus de l’éclatement de l’ancien bloc soviétique, l’Ukraine principalement, en complicité avec la Géorgie qui emprunte les chemins de traverse pour son propre armement, mais également pour en vendre à l’extérieur. L’Ukraine qui, à elle seule, produisait le tiers de l’armement de l’Urss, s’est retrouvée, à son indépendance en 1991, avec un immense arsenal dépassant largement ses besoins et qui peut lui permettre de formidables rentrées d’argent en devises fortes. Ses exportations de blindés, d’avions de combat et de systèmes d’artillerie et de missiles lui ont officiellement rapporté 1 milliard de dollars en 2006, 1,2 milliard de dollars en 2007 et 1,5 milliard en 2008. L’Ukraine ayant été, jusque-là, très peu regardante sur la clientèle et la destination des armes qu’elle vend à l’étranger, le revenu global de ses exportations en la matière est normalement plus important, quand on y ajoute la part résultant du commerce illicite. L’Ukraine aurait fait des progrès dans la moralisation de ses exportations d’armes, si l’on croit l’Institut international de recherche pour la paix à Stockholm (Sipri). Toujours est-il que les chars de combat dont était chargé un de ses navires détourné par des pirates somaliens, il y a quelques mois, n’étaient point destinés à l’armée kenyane, comme prétendu, mais bien au Soudan placé sous embargo par les Nations Unies. Pour contourner l’embargo qui pèse sur la Guinée depuis les massacres du 28 septembre, avant qu’il ne soit victime de la tentative d’assassinat dont il a été la cible, le 3 décembre dernier, le capitaine Moussa Dadis Camara avait envoyé son actuel intérimaire, le Général Sékouba Konaté, négocier à Kiev l’achat d’armes pour 45 millions de dollars. Plus récemment encore, le 12 décembre dernier, un avion de la compagnie géorgienne Air West, affrété par des trafiquants d’armes ukrainiens et géorgiens, a été arraisonné par les services spéciaux thaïlandais, à l’aéroport de Bangkok où il avait fait escale pour se ravitailler. Il avait à son bord, non pas les « 35 tonnes de matériels de forage pétrolier » déclarées, mais des missiles portables antiaériens et des explosifs en provenance de la Corée du Nord et destinés à un pays tiers, via l’Ukraine. Ce trafic ainsi découvert et impliquant l’Ukraine et la Géorgie est une violation flagrante de la résolution 1874 des Nations Unies qui interdit tout commerce d’armes avec la Corée du Nord. Étrangement, les Etats-Unis et leurs alliés gardent le silence sur la piste ukraino-géorgienne qui a de fortes chances d’aboutir en Afrique. A partir de l’Ukraine et d’autres plates-formes de production et d’achat, l’aéronef retenu à Bangkok avait déjà été utilisé par les mêmes marchands d’armes pour servir de viatique de trafic vers le Libéria, la Sierra Leone, la Rd Congo, la Somalie, le Tchad, le Soudan, le Burundi où ils ont contribué à faire durer les conflits. Au moins 20% des exportations illicites d’armes, à partir de l’Ukraine, sont débarquées sur le sol africain. Sur le continent, le trafic d’armes est, très souvent, lié au marché glauque des diamants et du pétrole. Des gouvernements en mal de légitimité et des irrédentistes maîtres de pays ou de régions fabuleusement pourvus en richesses minières s’en servent pour obtenir les armes de leur maintien au pouvoir ou de leur mainmise territoriale, avec la complicité, on ne peut plus intéressée, des puissants lobbys de trafiquants d’armes dont les manœuvres sont facilitées par la dérégulation des circuits financiers et commerciaux mondiaux. Cette pratique fait partie des obstacles les plus sérieux à l’émergence du continent. Elle est d’un coût ruineux pour les nations car elle détourne d’énormes subsides qui auraient été plus rentables s’ils étaient investis dans la réalisation d’infrastructures de base, dans le soutien à des activités productives et de développement humain. Elle enlève à la vie active et productive les trop nombreux bras qu’elle massacre ou invalide. En somme, les conflits fratricides et les guerres intestines que le trafic d’armes nourrit consument des ressources financières, détruit les infrastructures économiques et sociales, pousse les populations à l’exode, inhibe les activités économiques, déstabilise les services sociaux. L’empreinte la plus profonde des marchands de la mort sur le continent africain est qu’ils prennent son développement en otage. Tout doit être fait pour desserrer cet étau.
Ngenzirabona@2009

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